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ÉTUDES SUR L’ALLEMAGNE.

leurs états, ou ne la conservassent que sous la direction d’un comité de gouvernement chargé de préparer la reconstitution de l’Allemagne. Ces divers plans furent rejetés par les puissances alliées comme ne pouvant se concilier avec les traités par lesquels l’Autriche venait de garantir aux princes de l’Allemagne méridionale la plénitude de leurs droits et l’intégrité de leur territoire. D’ailleurs, la guerre n’était pas finie : contre un homme tel que Napoléon, ce n’était pas trop d’une ligue universelle, et il ne fallait pas risquer de lui rendre des alliés et de faire renaître des divisions dont il était encore en position de tirer un grand parti. On nomma, il est vrai, une commission centrale d’administration présidée par le baron de Stein ; mais son autorité ne s’étendit que sur la Saxe, dont le roi, resté fidèle à Napoléon jusqu’à la fin, était considéré comme prisonnier de guerre, sur les grands-duchés de Berg et de Francfort, et sur quelques parties de la Westphalie. Cette commission fut chargée, en outre, d’organiser la force nationale et de veiller à ce que chacun contribuât, selon son pouvoir, à l’œuvre commune. On put voir alors combien la domination de Bonaparte avait été favorable au développement des ressources matérielles de l’Allemagne par la facilité et la promptitude avec lesquelles on leva, dans les seuls états du second ordre, des armées telles que l’ancien empire tout entier n’en avait jamais pu fournir dans son meilleur temps.

Quatre cent mille hommes passèrent le Rhin sur divers points dans les derniers jours de l’année 1813, et le territoire français devint le champ de bataille où devaient se décider les destinées de l’Europe. La France, épuisée d’hommes et d’argent, fit un dernier effort pour tenir tête à tant de nations conjurées contre elle, et cet effort fut assez puissant pour déterminer les coalisés, quoique arrivés à cinquante lieues de Paris, à offrir encore la paix à Napoléon, qui repoussa les offres de Châtillon comme il avait repoussé deux mois avant celles de Francfort, et s’obstina à continuer une lutte inégale, comptant sur son génie et sur sa fortune. Son génie seul ne lui fit pas défaut ; il se montra aussi actif, aussi fécond que jamais, et la campagne de 1814 fut aussi merveilleuse qu’aucune de ses plus vantées. Mais tout cela fut en pure perte, parce que la France était fatiguée de prodiguer le sang de ses enfans dans de brillantes aventures, parce qu’elle commençait à séparer sa cause de celle de la dynastie impériale et à désirer le repos à tout prix. Ce sentiment, qui régnait dans une portion considérable de la nation, dispensa la coalition de rem-