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BROUSSAIS.

qui sera peut-être éternellement insaisissable, dont l’autre le pousse par un mouvement régulier partout où il doit entretenir la vie, et dont le troisième le régénère en lui apportant dans ses cellules, qui se remplissent et se vident sans cesse, l’air destiné à lui rendre les qualités qu’il a perdues dans sa course et par ses distributions à travers le corps ; tous ces organes enfin qui, dans des limites précises et avec une harmonie admirable, voient, entendent, sentent, se meuvent, respirent, analysent, composent, sécrètent sous la direction de la volonté, ou sous l’impulsion d’une puissance instinctive plus habile encore que si elle était raisonnée, car elle a l’intelligence qui lui vient de son créateur ; et, au-dessus de tous les autres, cet organe supérieur qui semble les dominer par sa place comme par ses fonctions, qui est le siége et le moyen de manifestation de la pensée à l’aide de laquelle l’homme ne prolonge pas seulement la vie, dont il connaît mieux les conditions, mais s’élève au-dessus d’elle pour contempler les lois de l’univers et remonter jusqu’à son auteur.

La science du corps humain, de ses fonctions et de ses maladies, fut dès-lors très lente à se former. Elle fut long-temps arrêtée dans ses progrès par les mystères qu’elle avait à dévoiler, et souvent détournée de sa véritable route par l’intervention des autres sciences, qui l’aidèrent à conjecturer et à se tromper. Ainsi, dans l’antiquité, elle s’égara à travers les fausses notions d’une mauvaise physique, et les diverses doctrines philosophiques qui servirent de fondement à un grand nombre de systèmes médicaux. Lorsqu’elle recommença ses efforts originaux à la fin du moyen-âge, elle se laissa de nouveau entraîner dans des voies étrangères. Elle subit l’influence des idées dominantes et des sciences en progrès. Astrologique sous Paracelse, moitié chimique et moitié mystique sous Van Helmont, tout-à-fait chimique sous Sylvius (de la Boë), qui transforma le corps humain en laboratoire, mécanique sous Borelli et Boerhaave, qui n’y aperçurent qu’une machine hydraulique, spiritualiste sous Stahl, qui subordonna toutes les fonctions des organes à un principe psychologique, la science de l’organisation animée fut enfin soumise par Frédéric Hoffmann à l’empire d’une force plus appropriée à sa nature, et qui conduisit bientôt Bordeu et Barthès à leur force vitale. En effet, par une logique naturelle, on fut alors porté à reconnaître dans le corps un principe, qui n’étant ni matière, ni ame, présidait à la formation, à l’entretien, aux opérations des organes en vertu d’une puissance propre, d’une chimie particulière, d’une mécanique spéciale, et qu’on appela le principe de la vie, lui donnant ainsi le nom du grand acte qu’il accomplissait.