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CABRERA.

état maladif ; et, se tournant alors du côté de don Carlos, il lui envoya à Bourges messages sur messages, dans les mois de janvier et de février, pour lui faire connaître sa position et l’inviter à venir à son secours d’une manière ou d’une autre. Don Carlos lui écrivit plusieurs lettres en l’appelant son cher Ramonet, du petit nom d’amitié qu’il lui donnait dans des temps plus heureux, et en l’invitant à se bien garder de toute marotade ; il créa de plus une décoration particulière pour les troupes de Catalogne, d’Aragon, de Valence et de Murcie. Mais ce fut là le seul appui que le prétendant put donner à sa dernière armée ; les puissances du Nord s’étaient définitivement retirées de lui, et il fut impossible de rien obtenir d’elles, malgré de très grands efforts.

Enfin, dans les derniers jours de mars, une grande diversion dans les provinces du nord fut résolue pour dégager Cabrera. Il était trop tard. La paix avait jeté de trop fortes racines dans ces provinces pour qu’elle pût être ébranlée. Les officiers espagnols carlistes, réfugiés en France à la suite de don Carlos, s’évadèrent en foule des dépôts qui leur avaient été assignés ; mais, arrivés sur la frontière, ils ne trouvèrent aucune sympathie dans ces populations jadis si ardentes pour la guerre. Le gouvernement français fit arrêter les chefs désignés, entre autres le général Elio, qu’il fit enfermer dans la citadelle de Lille ; un nouvel émissaire de Cabrera, le colonel Gaeta, fut arrêté aussi et enfermé dans la citadelle de Brest. Une tentative d’insurrection eut lieu dans les provinces ; les chefs, les armes et l’argent manquèrent elle avorta misérablement.

Cependant le temps marchait, et la belle saison était revenue. Au mois d’avril, Espartero s’est mis en mouvement, mais l’attente générale a été déçue, et il n’a rencontré nulle part l’ennemi qu’il cherchait. Il a assiégé et emporté successivement Castellote, Segura, Cantavieja ; Cabrera n’y était pas. Il a mis le siége devant Morella, cette ville chérie du guerillero, cette capitale de sa comté féodale, cette forteresse où il avait aimé si long-temps à se croire inexpugnable ; Cabrera n’y était pas. Morella, démantelé par une artillerie terrible, s’est rendu à discrétion le 31 mai ; tout le Maestrazgo a été occupé presque sans coup férir par les troupes de la reine ; Cabrera n’y était pas. Jamais déchéance plus complète n’avait succédé à de plus fastueux antécédens ; on aurait dit une illusion qui s’effaçait au premier choc de la réalité.

L’armée de Cabrera, emmenant son général, a passé l’Èbre au commencement de juin, et s’est repliée sur la Catalogne. Quand le