et des arts et par les empiétemens successifs de l’Europe sur l’Asie, qu’une expédition contre la Chine, dont l’idée eût été traitée de folie il y a un demi-siècle, a été organisée par le gouvernement anglais comme une entreprise toute simple, tout élémentaire. Elle est en route, et probablement à l’œuvre maintenant. Qu’en adviendra-t-il ? Il serait téméraire d’essayer de le prévoir avec quelque précision. Mais il n’y a pas de témérité à dire que cet acte d’un peuple aussi envahissant, aussi fort et aussi habile à conserver ce qu’il a pris que l’est le peuple anglais, est un évènement considérable, et l’on est en droit de le regarder comme le prélude d’une ère nouvelle dans les relations de la Chine avec l’Europe.
On a beaucoup discuté sur les mérites comparatifs des populations chinoises et de celles de l’Europe. Naturellement, avec cette modestie qui nous distingue, nous nous sommes adjugé l’avantage. Je ne prétends pas que ce soit à tort. Le procès, cependant, n’est pas jugé sans appel. Les Chinois sont de beaucoup en retard sur nous dans le domaine des sciences et des beaux-arts, et non moins dans celui des arts utiles. Ils avaient devancé l’Europe pour toutes les inventions les plus précieuses, telles que l’imprimerie, la poudre à canon, la boussole, et, dans un ordre moins relevé, le sondage ; mais ils n’en ont tiré parti qu’à moitié, parce qu’ils paraissent dépourvus de cet esprit infatigable de perfectionnement qui caractérise l’Europe, et il a fallu que leurs découvertes fussent transplantées chez nous pour porter tous leurs fruits. Leur industrie est particulièrement arriérée en ce qu’ils n’ont pas su se créer aussi bien que nous, dans le monde matériel, des organes supplémentaires de ceux dont la nature a formé le corps humain. Leurs machines et leurs bêtes de somme sont peu nombreuses et peu perfectionnées. Chez eux, les muscles de l’homme doivent subvenir à tout labeur, fréquemment même au transport à grandes distances des objets les plus lourds. Ils manquent de cette faculté dominatrice qui nous a permis de ployer à notre usage et de faire travailler pour nous, sur la plus grande échelle, les élémens et les animaux, et de remodeler, pour ainsi dire, le globe terrestre, afin que nos voies de communication pussent s’y développer plus à l’aise. Il y a peut-être plus de machines et autant de grandes routes en chaussée et de canaux de navigation dans cette toute petite île qui se qualifie de Grande-Bretagne, que dans tout l’empire chinois. Il s’y fabrique et s’y consomme plus de fer.
Sous le point de vue religieux, on ne peut guère signaler, comme une preuve de l’infériorité de la Chine, le fétichisme idolâtre des sec-