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Page:Revue des Deux Mondes - 1840 - tome 23.djvu/215

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L’EUROPE ET LA CHINE.

tateurs de Fo, car l’Europe catholique en offre le pendant par les superstitions et les pratiques des basses classes demeurées croyantes, par leur dévotion aux reliques, et par leur foi aux miracles journaliers des saints. À l’égard des rapports de l’homme avec la Divinité, les classes éclairées sont en Chine à peu près au même point que dans notre Occident : elles professent un déisme d’une charité extrêmement étendue ; je dirais universelle, si, par une omission que nous n’avons pas le droit de leur reprocher, tout énorme qu’elle est, puisque, relativement à eux, nous avons le même péché sur la conscience, les lettrés chinois n’avaient oublié de compter les populations nombreuses et puissantes de notre civilisation occidentale[1].

Du point de vue moral, en ce qui concerne les rapports de l’homme avec l’homme, les Chinois sont, dans la forme au moins, plus avancés que nous, car ils sont plus bienveillans. Les rixes et les emportemens sont peu communs parmi eux. Ils ont cherché et trouvé dans le cérémonial un excellent procédé pour refouler les instincts grossiers, violens ou hautains. En général, le Chinois, s’il sait moins maîtriser la nature physique, sait mieux se maîtriser lui-même. Domination pour domination, l’une assurément vaut l’autre. Moralement, cependant, la Chine présente une imperfection énorme. La polygamie y subsiste, ou plutôt le concubinage y est admis et beaucoup pratiqué par les riches, qui, à côté de leur Sara, ont très souvent une Agar. La femme n’y est pas tout-à-fait la compagne de l’homme ; elle est plutôt l’instrument de ses plaisirs. Plus généralement, chose bizarre, dans les classes cultivées que chez le vulgaire, elle porte sur son corps l’empreinte, la marque de la servitude. Elle est estropiée[2]. Cet usage

  1. Voici un rapprochement remarquable que je trouve dans une note de la relation de l’ambassade de lord Macartney en Chine, par sir George Staunton :

    « … Leur religion (des Chinois), celle que leur gouvernement conserve encore, est la religion que le grand Newton appelle la plus ancienne de la terre, et qu’il peint d’une manière si noble et si touchante : — « Croire fermement que Dieu a créé le monde par son pouvoir et le gouverne par sa providence ; craindre pieusement, chérir, adorer cet être suprême ; respecter ceux dont on tient la vie et les personnes avancées en âge ; avoir une affection fraternelle pour tous les hommes, et même de la sensibilité, de la pitié pour la partie brute de la création. »

    (Traduction de M. J. Castéra, 1804, tome I, p. 22.)

  2. On peut faire remarquer, comme une circonstance atténuante en faveur des Chinois, que cette mode entraîne comme conséquence l’exemption, pour la femme, de tout travail pénible, forme d’affranchissement que la femme est encore à attendre en Europe et dans tout l’Occident, particulièrement en dehors du territoire occupé par la race anglaise.

    Il est digne d’attention que les Tartares conquérans de la Chine, qui ont adopté