barbare de la mutilation des pieds, dont les dames chinoises se font maintenant un point d’honneur, et que les classes pauvres imitent, autant qu’elles le peuvent, par vanité et par coquetterie, est évidemment un reste de l’asservissement brutal qui a pesé sur la femme comme sur tous les êtres faibles, au début de toute civilisation. C’est l’oppression jalouse du maître sur l’esclave. C’est une précaution semblable à celle du chat-huant de La Fontaine à l’égard de ses souris :
Les premières qu’il prit du logis échappées,
Pour y remédier le drôle estropia
Tout ce qu’il prit ensuite, et leurs jambes coupées
Firent qu’il les mangeait à sa commodité.
Mais, politiquement et socialement, la Chine peut invoquer de beaux titres à la supériorité. Les Chinois ont résolu des problèmes bien difficiles. Ils ont réussi à faire vivre sous une même loi, pendant une suite indéfinie de siècles, des myriades de myriades d’hommes. Chez nous, on a vu échouer, l’une après l’autre, toutes les tentatives ayant pour but de fonder l’unité européenne (par nous qualifiée, avec notre modestie accoutumée, d’empire universel), qui, toute vanité nationale à part, serait plus favorable au bonheur des populations, que le morcellement entre des gouvernemens ennemis ou seulement rivaux. Elles n’ont même jamais été hautement avouées depuis les Romains, car Charlemagne, Charles-Quint et Napoléon aspiraient à la suprématie dans un conseil de rois et non à trôner seuls. Les Chinois ont érigé un empire qui dure sans interruption depuis l’origine des temps historiques, qui durerait peut-être éternellement, si la vapeur, secondant notre soif de conquêtes, ne le mettait actuellement à notre portée ; les conditions de l’équilibre y sont si admirablement remplies, que rien n’a pu le renverser, et que les invasions et les conquêtes qui, à plusieurs reprises, dans notre Occident, ont tout balayé et ont entassé ruines sur ruines, au lieu de l’abattre ou de l’ébranler, l’ont consolidé, raffermi, étendu.
C’est que l’organisation sociale et politique de la Chine est fondée sur une notion plus exacte et plus complète de la nature humaine que ne l’a été dans le passé, et que ne l’est dans les temps modernes celle d’aucune des parties de notre Occident.
Dans un ouvrage récent et trop peu remarqué[1], par l’unique
- ↑ Du Parti Social.
toutes les coutumes des Chinois, se sont refusés à suivre cette mode de la mutilation des pieds.