Page:Revue des Deux Mondes - 1840 - tome 23.djvu/445

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
441
MADAME DE LONGUEVILLE.

fille, déjà âgée de dix-sept ans, qui, avant d’être duchesse de Nemours, resta long-temps auprès de sa jeune belle-mère, nota tous ses écarts, et finalement, en ses Mémoires, ne lui fit grace d’aucun.

Le duc de Longueville pouvait passer pour le plus grand seigneur de France, mais il ne venait qu’après les princes du sang ; c’était un peu descendre pour Mlle de Bourbon. Son père, M. le Prince, l’avait forcée à ce mariage ; elle fit bonne contenance. Dès les premiers temps, un grand éclat vint irriter à la fois et flatter sa passion glorieuse, et donner jour aux vanités de son cœur.

M. de Longueville, outre la disproportion de son âge, avait le tort de paraître aimer Mme de Montbazon ; les deux rivales n’eurent pas de peine à se haïr. Un jour qu’il y avait cercle chez Mme de Montbazon, quelqu’un ramassa une lettre perdue, sans adresse ni signature, mais qui semblait d’une main de femme écrivant tendrement à quelqu’un qu’on ne haïssait pas. On lut et relut la lettre, on chercha à deviner, on décida bientôt qu’elle devait être de la duchesse de Longueville, et qu’elle était tombée à coup sûr de la poche du comte de Coligny, qui venait de sortir. Il paraît bien réellement qu’à dessein ou non, on se trompait. Cette atteinte était la première qu’on eût encore portée à la vertu de la jeune duchesse. On redit le malin propos sans trop y croire. Au premier bruit qui en vint aux oreilles de l’offensée, celle-ci, qui savait que l’histoire était fausse, mais qui se réservait tout bas peut-être de la rendre vraie, crut qu’il était mieux de se taire. Mme la Princesse sa mère ne le souffrit pas, et prit la chose du ton d’une personne toute fière d’être entrée dans la maison de Bourbon ; elle exigea des réparations solennelles. Sa plainte devint une affaire d’état. On était alors dans la première année de la régence ; Mazarin essayait son pouvoir, et ce fut pour lui la première occasion de démêler les intrigues de cour, de mettre de côté les amis de Mme de Montbazon, Beaufort et les importans : Mme de Motteville déduit tout cela en perfection.

La rédaction des paroles d’excuse fut débattue et arrêtée dans le petit cabinet du Louvre, en présence de la reine ; on les écrivit sur les tablettes même du cardinal, qui faisait son jeu sous cette comédie. Puis on les copia sur un petit papier que Mme de Montbazon attacha à son éventail. Elle se rendit à heure fixe chez Mme la Princesse, et lut le papier, mais d’un ton fier et qui semblait dire : Je m’en moque. À peu de temps de là, Coligny, par suite de cette prétendue lettre, appelait le duc de Guise, qui tenait pour Mme de Montbazon ; ils se battirent sur la Place-Royale. Coligny reçut une blessure, dont il