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ESPARTERO.

cles qui est relatif au serment royal avait été placardé en gros caractères dans le vestibule du théâtre, afin que la reine Christine ne pût s’empêcher de le voir en passant.

Enfin le journal progressiste de Barcelone, El Constitucional, annonça le 12 juillet que le comte-duc (c’est ainsi qu’on l’appelle quelquefois), était à Martorell, et qu’il entrerait à Barcelone le lendemain. Le 13, dans la matinée, une foule immense se porta à sa rencontre avec des branches d’olivier et de laurier. Dès qu’Espartero aperçut ces flots de peuple, il quitta son escorte, et s’avança seul au milieu de la foule, qui l’entoura et le porta en quelque sorte en triomphe, lui et son cheval. Des cris frénétiques retentissaient partout sur son passage, et parmi ces cris éclatait de temps en temps celui de mort aux Français qui est un des cris de ralliement des exaltés. La multitude chantait en même temps des chansons composées pour la circonstance, et qui mêlaient des injures contre la France aux adulations les plus emphatiques pour le héros national. Espartero, ému et ravi, répondit à toutes ces démonstrations que ce jour était le plus beau de sa vie, et que toutes ses victoires, toutes ses dignités, l’avaient moins touché que cette réception.

Le même jour, à cinq heures de l’après-midi, le comte-duc se présenta chez la reine ; l’audience se prolongea une heure et demie. Espartero renouvela ses propositions d’Esparraguerra ; la reine accepta la conversation, et discuta avec lui quelques noms pour le nouveau ministère, mais ils se séparèrent sans avoir rien conclu.

Cependant la loi sur les ayuntamientos, discutée et adoptée par les deux chambres, était partie de Madrid le 8 juillet : elle arriva à Barcelone le 14 à midi. Les ministres avaient écrit à leurs collègues de la faire passer par Valence, parce que le courrier qui la portait aurait pu être arrêté sur la route de Lérida, occupée par l’armée d’Espartero. La reine ne voulut pas donner sa sanction à la loi sans voir encore une fois le généralissime ; elle le fit appeler, et discuta long-temps avec lui sur les inconvéniens qu’il pouvait y avoir à refuser la sanction royale à une loi qui avait subi toutes les épreuves constitutionnelles. Espartero s’obstina beaucoup plus par orgueil que par conviction ; la reine, justement irritée, fit venir ses ministres dès qu’Espartero fut sorti, et signa. Le même soir, la loi sanctionnée fut expédiée pour Madrid, dans le plus grand secret, avec ordre de la promulguer immédiatement.

Espartero apprit dans la journée du 15 que la reine avait signé. Il entra dans une violente colère, se renferma chez lui, se mit au lit