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LE MARINO.

admirèrent ; style facile et étourdissant, fluide et coloré, italien et espagnol : sans arrêt, sans goût, sans pureté, mais scintillant d’une lueur phosphorescente et d’une verve qui fatigue le lecteur.

Si le style et la composition trahissent une intelligence médiocre et incomplète, la voluptueuse recherche des détails témoigne des incurables misères dans lesquelles l’Italie sociale était tombée. Le Marino n’est point licencieux dans le sens vulgaire du mot. Ses expressions ne sont point grossières ; il cueille la fleur de l’ame sur des lèvres fraîches :

Da le sue labra il fior de l’aima coglio.

Les plus voluptueux de ses tableaux, revêtus d’une certaine chasteté apprêtée, ne blessent d’abord ni l’oreille par des expressions déshonnêtes, ni l’imagination par des groupes lascifs ; mais à peine la stance de Marino s’est-elle déployée, toute cette gaze déliée et vaporeuse vous laisse apercevoir un raffinement extraordinaire de voluptés étudiées et de recherches plus que savantes. Ses réticences naïves sont plus obscènes que la nudité ; il use toujours d’une expression décente comme d’une amorce. Les Baisers de Jean Second sont des œuvres modestes, si vous les comparez aux rimes amoureuses de Marino. Parny

    Le morti à i regi e le cadute à i regni.
    ..............
    Gran traccia di splendor dietro si lassa
    D’un solco ardente, e d’aurce fiamme acceso
    Riga intorno le nubi, ovunque passa
    E trahe per lunga linea in ogni loto
    Striscia di luce, impression di foco.
    Sul mar si cala, e si com’ ira il punge,
    Se stesso avampa impetuoso à piombo ;
    Circonda i lidi quasi mergo, e lunge
    Fa de l’ali stridenti udire il rombo
    , etc.

    « Il parcourt de ses ailes brûlantes, et plus léger que l’air, le chemin des vents. Telle l’étoile prodigieuse, éclatante passagère, effrayante et belle, fend les vastes espaces, le front armé d’éclairs ; le nocher admire de l’une et l’autre rive de quel pied de pourpre elle frappe les nuages, de quelle plume d’or elle écrit et annonce la mort des rois, la chute des empires. Tel vole le dieu, laissant derrière lui une grande trace de splendeur ; un sillon ardent, des flammes d’or inondent les nuages partout où il passe. Partout le suivent une longue traînée de lumière, une impression de feu.

    « Il s’abaisse vers la mer, et ému d’une poignante colère, il se laisse tomber d’aplomb, rasant comme l’oiseau de mer les contours des rivages, et faisant entendre au loin le bruissement de ses stridentes ailes. »