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REVUE. — CHRONIQUE.

C’est là ce que la France doit se dire, c’est là ce qu’elle doit prendre en grande considération et ne jamais perdre de vue.

En Angleterre, l’opinion publique est libre et puissante. Le jour où la nation anglaise sera convaincue que son administration s’est égarée, elle n’hésitera pas à la briser. Elle en a les moyens.

Ces moyens n’existent ni en Prusse ni en Autriche. Si la Russie s’est emparée de leurs conseils, elle peut y régner des années et des années, et y affermir de plus en plus son influence exclusive. Dès-lors la France aura un jour à délibérer sur la question de savoir jusqu’à quel point elle doit permettre qu’un système qui lui serait hostile ou seulement suspect, pousse ses forces ou du moins son influence jusqu’aux portes de Thionville et de Grenoble.

Quoi qu’il en soit, nous sommes complètement rassurés. Le roi, le pays, le cabinet, comprennent également toute l’importance et la gravité de la nouvelle situation politique que l’alliance anglo-russe vient de faire à l’Europe. La France n’a rien à craindre.

Les affaires d’Espagne semblent prendre une tournure moins fâcheuse. Espartero, revenu d’une erreur momentanée, paraît disposé à mettre son influence et son épée au service de la monarchie constitutionnelle et de l’ordre ; ce qui est d’autant plus rassurant, que le gros de l’armée ne cachait pas sa répugnance à suivre son général dans ses aventures politiques.

Toujours est-il qu’en allant se mettre au pouvoir d’Espartero, au sein de la Catalogne, la reine a poussé trop loin peut-être la hardiesse d’un esprit politique et la confiance d’une femme. Quoi qu’il en soit, il s’agit maintenant de reprendre d’une main habile et ferme les rênes du pouvoir qu’on a laissé flotter un instant. Malheur à l’Espagne s’il arrivait à la reine ce qui arrive quelquefois aux personnes les plus hardies qui viennent d’échapper à un grand danger qu’elles n’avaient pas prévu. Elles prennent peur et se découragent après coup. Si la reine Christine, qui est peut-être l’homme d’état le plus éminent de l’Espagne, songeait à laisser ce malheureux pays à lui-même, elle compromettrait à la fois l’avenir de l’Espagne et celui de ses enfans. On parle du mariage de la reine Isabelle avec le fils aîné de l’infant François de Paule. Ce mariage ne donnerait pas, dit-on, à la jeune reine, un conseil bien habile ; mais ce serait du moins une question résolue : c’est ce qu’on peut dire de mieux en faveur du projet.

La saison s’oppose à tout fait saillant, à toute entreprise considérable dans l’Algérie. Quelques attaques partielles tiennent nos garnisons en haleine ; nais ce ne sera qu’en automne que les opérations militaires pourront reprendre leur cours.

M. Laurence, directeur des affaires de l’Algérie au ministère de la guerre, a publié un tableau fort bien fait et fort curieux de la situation des établissemens français dans l’Algérie en 1839.