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LE THÉÂTRE EN ITALIE.

Les partisans de la comédie nationale, au lieu de combattre, par des raisons ou par leurs œuvres, cette influence française, ont mieux aimé la nier. Loin de poursuivre de leurs critiques les copistes ou les parodistes de Molière, ils ont récriminé contre ce grand comique, l’accusant de plagiat, et lui refusant toute espèce d’originalité. — Nous ne devons rien à Molière, ont-ils dit, et Molière nous doit tout. Il a mis effrontément nos vieux écrivains à contribution. Il a pris à Barbieri, l’auteur de l’Inavvertito, sa comédie de l’Étourdi, le sujet et l’intrigue du Dépit amoureux à l’Interessa de Sacchi, et la fameuse scène de la cassette à la Sporta de Gelli. Il y a plus, vous retrouvez sa pièce de Tartuffe dans une vieille comédie du XVe siècle, qui a pour titre il Dottore Bacchettone. Non content de dépouiller ces auteurs, il a puisé à des sources analogues ses comédies de l’École des Maris, de George Dandin, de l’Avare, etc., etc. Chacun sait ensuite tout ce qu’il doit aux pièces mimiques et à la comédie dell’ arte ; c’est là qu’il a dérobé sa précieuse gaîté, son esprit et sa verve merveilleuse. — Molière s’est chargé de répondre à ces accusations ridicules, et sa réponse est bien connue : — J’ai pris mon bien où je le trouvais.

Ces reproches de plagiat, que les critiques italiens renouvellent encore de nos jours, ne méritaient pas une autre réponse ; le mépris seul doit en faire justice. Au lieu de déclamer contre un maître qui leur montra comment on devait dégrossir des diamans bruts et enfouis, ces écoliers impuissans devraient suivre son exemple et montrer un moins grand dédain pour la comédie dell’ arte et les types nationaux. Loin de refaire Goldoni, qui lui-même avait voulu refaire Molière, ils devraient utiliser ces types et leurs vieux canevas, et chercher la comédie où elle se trouve. Une chose digne de remarque, et qui vient à l’appui de cette assertion, c’est que les poètes comiques qui, depuis un quart de siècle, ont obtenu en Italie le succès le plus franc, sont ceux qui se sont rapprochés, soit par le choix de leurs sujets, soit par la manière de les traiter, de la simple et naïve comédie populaire. Le comte Giraud, Sografi, Frederici, sont, à proprement parler, des poètes populaires, d’habiles metteurs en œuvre de données assez vulgaires. Sografi surtout, si admirablement comique dans ces pièces où il peint l’intérieur et les mœurs des troupes dramatiques italiennes[1], n’a dû son grand succès qu’à l’habile emploi des caractères et des dialectes provinciaux, génois, bolonais ou romain. En

  1. Le Convenienze teatrali, le Inconvenienze teatrali, par Simone Sografi,