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dessinant des portraits, il a créé des caractères qui resteront ; Dazia Garbinati de Procoli, l’altière et capricieuse prima donna, qui chantait hier dans la rue, et qui aujourd’hui raconte à tout venant qu’elle a refusé de prendre un engagement avec l’Angleterre, voulant faire un cadeau (regalo) de son talent à la noblesse et aux dilettanti de Lodi ; Procolo, son mari, si soumis avec elle, si brutal avec les autres, qu’on prendrait à la fois pour son singe et son perroquet, tant il copie fidèlement ses gestes et répète littéralement ses boutades ; Gennariello, le célèbre maestro ; Giuseppina Pappa, le primo musico ; la Tata, cette intrépide ballerine qui estropie chaque mot avec une naïveté enfantine : Luisa Syannagalli, la cantatrice bolonaise ; Gugliemo Knollemanhilverdinchsprafchmaester, le tenore allemand ; enfin, chacun des personnages de ces petites pièces si vives sont autant d’excellens originaux, esquissés d’après nature, et que l’on peut rencontrer dans toutes les petites villes de l’Italie. Sografi fait ressortir avec une véritable gaieté et un naturel parfait leurs ridicules si variés, et cela sans être ni commun ni trivial. Malheureusement le besoin, ce mortel ennemi des plus beaux génies italiens, a perdu celui-là comme tant d’autres. Sografi s’est mis aux gages d’impresarii avides et sans goût ; il a moins cherché à bien faire qu’à beaucoup faire. Renonçant à mettre habilement en œuvre la comédie populaire, comme il l’avait tenté dans ses premiers essais, il s’est laissé absorber par elle, et n’a plus composé que des canevas. Ce que nous venons de dire de Sografi peut s’appliquer à Frederici, l’auteur du Chapeau parlant, de la Philosophie des Brigands, etc. Nous nous plaisons à rendre justice aux qualités de ces écrivains faciles ; nous regrettons seulement l’abus qu’ils ont fait de cette facilité et de ces qualités.

Les critiques italiens, toujours un peu guindés, et qui n’ont de sympathie que pour la comédie noble ou soutenue, dédaignent Sografi, et font grand cas d’Alberto Nota, qu’ils mettent au premier rang. Nous sommes loin de partager leur opinion à l’égard de ce prétendu continuateur de Goldoni, et nous n’aurons pas de peine à prouver, par une appréciation sommaire, que notre sévérité n’est que de la justice. Examinons d’abord celle des pièces de cet auteur qui a obtenu le plus grand succès, et qui a commencé sa réputation, cette comédie des Premiers pas vers le mal (I Primi passi al mal costume), que M. Casimir Delavigne n’a pas dédaigné d’imiter en partie dans son École des Vieillards.

L’intrigue se développe péniblement, et à l’aide d’interminables dialogues entre une jeune femme sans principes et sans force morale,