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LE THÉÂTRE EN ITALIE.

Il introduisit tout d’abord dans le drame national les développemens qui distinguent le drame anglais et allemand, et l’homme de génie qui plus tard, dans son roman des Promessi sposi, rappela Walter Scott, moins la fécondité et l’humour, se plaça glorieusement, comme écrivain dramatique, à la suite de Shakespeare et de Schiller. Manzoni peut être regardé comme le chef poétique de cette école lombarde qui, en littérature, s’est mise, dans tous les genres, à la tête des novateurs. Les Piémontais d’un côté, les Napolitains de l’autre, n’ont pas tardé à suivre cette impulsion, contre laquelle Florence lutte encore. Malheureusement Pellico et Manzoni se reposent. Le mysticisme a absorbé toutes leurs facultés, et, comme Racine, ils font pénitence de leurs chefs-d’œuvre. Une nouvelle génération de dramaturges les a remplacés. Marenco, l’auteur de Berenger, Brofferio, l’auteur de Vitige re dei Goti, Giacometto, le peintre de la Famiglia Lercari, ne sont guère que de médiocres continuateurs de l’école d’Alfieri.

Battaglia, Turotti et Giuseppe Revere ont conduit le drame dans des voies plus modernes. Imitateurs de Manzoni, ils ont transporté sur la scène le roman historique, et tous trois ont fait choix de sujets nationaux. Battaglia, l’auteur de Louise Strozzi, est le plus habile de ces écrivains. Il sait habilement concentrer l’intérêt sur un personnage, combiner les incidens du drame et ralentir ou précipiter l’action pour le plus grand plaisir du spectateur. Battaglia a essayé d’un compromis entre l’école classique et l’école romantique. Dans ce but, il a tenté d’approprier les formes anciennes, en leur donnant l’élasticité dont elles manquaient, aux incidens plus variés du drame moderne ; c’est le Casimir Delavigne de l’Italie. Giuseppe Revere, l’auteur de Lorenzino de Medicis, est l’ennemi déclaré de toute transaction de ce genre ; aussi a-t-il rassemblé tant de personnages dans son drame et donné une telle ampleur à chacune de ses scènes, que la représentation en serait matériellement impossible et durerait plus d’un jour. Il a voulu tout à la fois présenter un tableau complet de l’époque, comme un historien aurait pu le tenter, et faire une œuvre dramatique : il n’a réussi qu’à demi. L’amour de la patrie, la haine de la tyrannie, les sentimens religieux, la peur du diable, l’amour délicat et le libertinage se mêlent confusément dans ce drame, où l’auteur semble s’être imposé l’obligation de parler de tout et de ne rien oublier de ce qui se rapporte à ses personnages. M. Alfred de Musset, qui a traité le même sujet dans une vive esquisse où l’on retrouve tout l’imprévu et toute la délicatesse de son esprit, à la fois