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si fin et si énergique, est moins savant peut-être que M. Giuseppe Revere, mais il est bien autrement vrai et intéressant ; il est surtout bien autrement dramatique.

M. Turotti, le plus jeune des trois auteurs que nous venons de citer, est un débutant du plus grand espoir ; les critiques italiens, en s’occupant de son drame du Comte d’Anguissola, l’ont salué de ces louanges dithyrambiques dont ils sont malheureusement trop prodigues, et qu’ils devraient réserver pour ces combattans vieillis dans les triomphes, pour les Manzoni et les Pellico. Quoi qu’il en soit, le drame de M. Turotti est peut-être l’œuvre dramatique la plus importante de ces dernières années ; la contexture du drame est vive, quoique travaillée, l’intérêt est habilement gradué, et le coloris séduisant. Le sujet de ce drame est fort simple : Pierre-Louis Farnèse s’est rendu maître de Plaisance, et appesantit son joug sur la noblesse ; Giovani Anguissola, homme d’un caractère énergique et résolu, ourdit contre le tyran une conjuration que Ferrante Gonzague de Milan doit seconder. Tandis que l’Anguissola s’est rendu à Milan pour s’entendre avec ce prince, Farnèse fait saisir et emprisonner sa maîtresse, Teresa della Casa Bianca. L’Anguissola, de retour, ne songe plus qu’à se venger, et le 10 septembre 1547, il tue d’un coup de poignard Pierre-Louis Farnèse. Turotti a couvert, par la nouveauté des détails et le choix des ressorts qu’il a mis en usage, la nudité, et, s’il faut le dire, la vulgarité de ce sujet. C’est une œuvre toute de passion ; la soif du pouvoir, le désir de la vengeance, l’insolence de l’oppresseur, la noble colère de l’opprimé, et le double amour de la mère et de l’amante se partagent les scènes rapides et colorées de ce drame saisissant ; les Italiens en vantent le beau style : Il l’inguagio e sempre sostenuto, disent-ils. Nous l’aimerions mieux plus simple et plus naturel. Il est inutile de dire que, par le temps qui court, on ne joue pas un pareil ouvrage par-delà les Alpes ; c’est déjà surprenant qu’on en tolère l’impression.

Le napolitain de’ Virgiliis, que nous avons placé au nombre des poètes dramatiques modernes de l’Italie, se sépare essentiellement du groupe que nous avons fait connaître ; c’est un esprit original, mais confus. Sa grande Comédie du XIXe siècle, ouvrage de proportions colossales, rappelle à la fois le Faust de Goethe, le don Juan de Marana, de M. Dumas, et la Fiera de Buonarotti le jeune, cette pièce singulière qui a vingt-cinq actes et qu’on ne peut représenter qu’en cinq jours. Le ciel, la terre, les passions humaines, surnaturelles ou plutôt extra-naturelles, se confondent assez malheureu-