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Évidemment, si c’est seulement de l’intérieur de l’église qu’on peut voir à son plan cet immense tombeau, il faut y renoncer. Abandonnons à l’artiste le dôme, qui est un édifice à part, où les saints mystères ne sont pas célébrés, mais qu’entre le dôme et l’église un rideau soit abaissé, et défende aux regards de chercher au-dessus de l’autel autre chose que Dieu.

L’effet de perspective sera donc impossible, et ce n’est qu’en levant la tête avec effort qu’on pourra porter les yeux sur le monument. Si du moins c’était là le seul inconvénient de sa présence en ce lieu ! Mais voyez, avec un pareil voisinage, ce que vont devenir et le dôme, et la coupole, et les pilastres, et les colonnes, et toute cette décoration calme, d’une noblesse élégante, sans éclat, sans recherche, mais aussi sans énergie et sans fermeté ? À côté de ces masses de bronze, de granit ou de marbre, ces murailles de pierre blanche vont ressembler à du carton. Dans le tombeau, tout est carré ; tout, sauf les figures, n’est que lignes droites, verticales ou horizontales ; dans l’édifice, tout est adouci, tout est arrondi : quelle opposition, quel choc, quel combat pour les yeux !

Essaiera-t-on d’introduire un peu d’harmonie, de sauver du moins les plus fortes dissonnances en diminuant les proportions du monument ? Mais pour qu’il n’écrase plus le dôme, il faut le réduire aux dimensions des tombeaux ordinaires, et aussitôt il devient bâtard, avorté, et presque ridicule. Un Hercule qu’on rapetisse n’est plus qu’un nain difforme. Que vont signifier ces portes sépulcrales, si un enfant peut seul passer dessous ? et ces aigles, et ces vieillards, et cette statue, dont la première beauté est la grandeur, qu’allez-vous en faire, si vous leur imposez des dimensions raccourcies ? Non, tout cet ensemble n’a de signification, d’esprit et d’effet, que s’il est colossal. Faites un autre tombeau, si vous voulez une hauteur moyenne ; mais puisque vous préférez ce monument, parce qu’il est puissant et hardi, laissez-lui ce qui fait sa hardiesse et sa puissance, laissez-lui ses proportions.

On peut recourir à un autre expédient : ne rien changer à la grandeur du monument, mais diminuer en apparence sa hauteur en faisant descendre sa base en contrebas du sol où se trouve placé le spectateur. On sait en effet que le pavé du dôme proprement dit, par une disposition assez heureuse du plan, est déjà de quelques pieds plus bas que les chapelles et les petites nefs latérales. Il s’agirait de rendre cette différence de niveau plus saillante encore en creusant le sol dans le milieu du dôme et en prolongeant les escaliers circulaires.