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POLITIQUE EXTÉRIEURE.

parce que l’émeute s’y opposait. Une concession à l’émeute avait élevé ce cabinet ; une concession à l’émeute l’a renversé.

Que va-t-il arriver maintenant ? Nul ne peut le dire ; mais nous avons bon espoir dans la cause de l’ordre. Jamais dans aucun pays un parti politique n’a plus radicalement montré son impuissance que le parti exalté espagnol dans ces derniers évènemens. Ce parti a eu pour lui la fortune, qui lui a livré la reine désarmée ; il a eu à la fois, chose sans exemple, la puissance des idées révolutionnaires et celle des souvenirs les plus antiques et les plus chers du pays, les souvenirs des libertés locales ; il a eu toutes les municipalités de l’Espagne, dont la loi nouvelle doit détruire l’influence : il a eu enfin, outre ses armes ordinaires, les sociétés secrètes et les journaux, un généralissime à la tête de son armée victorieuse et en possession du pouvoir le plus absolu que jamais homme ait exercé ; et, malgré ces moyens formidables, irrésistibles, malgré ce concours des circonstances et des hommes, il a échoué. Il a suffi de l’inflexible résistance d’une femme pour venir à bout de toutes ces forces combinées.

C’est que l’ascendant moral de la royauté est toujours immense en Espagne, quoi qu’on en dise. La royauté a été souvent humiliée, souvent vaincue dans ces dernières années ; mais elle s’est toujours relevée par sa propre force, et elle a survécu à tous ses vainqueurs d’un jour. Tout n’est pas perdu dans un pays quand il lui reste encore un pareil levier. L’Espagne a toujours ses deux vieilles croyances, elle est monarchique et catholique ; seulement, elle aspire à dégager ces deux grands principes de leurs propres excès, et à les concilier avec les besoins des sociétés modernes. Le problème est loin d’être insoluble ; il faut espérer qu’il sera résolu. Ce qui permet de le croire, c’est la double victoire que la royauté constitutionnelle vient de remporter, l’une sur l’absolutisme personnifié dans don Carlos, l’autre sur l’esprit révolutionnaire un moment représenté par Espartero.

Nous disons qu’il y a eu victoire, quoique la lutte dure encore. Il nous semble, en effet, que les plus terribles épreuves viennent d’être subies, et qu’il ne peut plus se représenter de situation semblable à celle dont nous venons d’être les témoins. La reine délivrée va probablement appeler aux affaires un ministère modéré. Ce ministère aurait sans doute de grandes difficultés à vaincre ; mais, appuyé sur la majorité des deux chambres, soutenu par la royauté, défendu par une partie de l’armée il aurait aussi entre les mains de puissans moyens de gouvernement. L’expérience de Barcelone doit avoir dissipé bien des illusions d’un côté, et fait cesser bien des tâtonnemens