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Ce dernier, en conseillant le système défensif, prend assurément pour point de départ un principe triomphant en matière de droit des gens ; mais c’est parce qu’on a un principe fort dans la source, qu’il faut bien se garder de le laisser altérer dans ses conséquences. Or, comme à l’équité, qui est le plus fort des principes en matière judiciaire, on ajoute les lois écrites qui en sont l’explication, il ne faut pas conseiller à la France le système défensif, sans lui dire en quoi consiste ce système, sur quels traités il s’appuie, et quelle influence l’action défensive de la France peut, sans violer la lettre de ces traités, exercer sur le monde politique.

Raisonnons en ce sens, et disons : Bordée de trois côtés par la mer, la France, si la guerre éclate, devra tourner ses regards vers le continent. Au nord, elle verra la Hollande, intéressée à garder la neutralité, et la Belgique, qui ne peut manquer d’être notre alliée ; au midi, le Piémont, que ses penchans pourront bien porter vers les intérêts autrichiens, mais seulement au-delà des Alpes, ce qui ne nous empêcherait pas d’en garder les issues de ce côté-ci. C’est l’Allemagne qui se présente à nous comme le champ sérieux où s’opéreront les premiers mouvemens de la politique européenne. Aussi, est-ce de l’Allemagne que je veux vous parler. Je suppose le système défensif adopté sincèrement par notre cabinet ; je ne vous entretiens donc pas d’une guerre sur le Rhin, ni de nos frontières naturelles ; tout ce qui peut rappeler la conquête reste étranger à ce système dont je veux examiner la force. Le Journal des Débats semble réduire la tâche de la France à la défense du territoire, et cette défense n’en est, à mon avis, que la seconde et dernière partie.

Trois puissances semblent, depuis 1815, avoir pris pied en Allemagne ; et si ce grand et noble pays jouit encore d’une ombre de liberté, il le doit à la surveillance mutuelle que ces trois puissances exercent l’une sur l’autre.

L’Autriche, toujours inquiète sur l’Italie, et préoccupée de sa marine de Trieste ainsi que de sa navigation du Danube, a vu la Prusse s’avancer progressivement jusqu’à ses frontières de Bohème, espérant tôt ou tard enclaver ce beau pays dans son système de douanes allemand. Mais, comme en ce pays réside principalement l’industrie autrichienne, M. de Metternich dit à la Prusse : Ou laissez-nous le pays qui produit, ou enclavez avec lui ses voisins, qui ne produisent guère ; et la Prusse n’insiste plus. Quelques villages du Tyrol embrassent la religion réformée ; l’Autriche en est embarrassée, ne voulant ni tolérer la chose, ni persécuter les hommes. Alors le roi de Prusse offre gracieusement, dans ses états, un asile à tous les Autrichiens qui se sont faits protestans. Que répond M. de Metternich ? Je ne le sais pas, je ne veux pas le savoir. Mais un an ne s’est pas écoulé que les catholiques du Rhin murmurent contre sa majesté prussienne, qui est obligée de faire arrêter un archevêque, et le hasard semble merveilleusement poser un levier catholique sur le sol de la Prusse, comme celle-ci avait posé imprudemment sur l’Autriche son levier protestant.

Querelles de douanes, querelles de religion sont étouffées en apparence par la politique et la censure ; mais on sent que le terrain allemand est miné çà et