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REVUE. — CHRONIQUE.

là ; et si l’Autriche et la Prusse affectent sans cesse l’accord et l’harmonie, c’est qu’elles redoutent en commun une troisième influence, celle de la Russie.

La Russie joue l’indifférente ; ce n’est qu’un crédit purement moral que le czar demande à l’Allemagne. Chaque année cependant, sous prétexte de prendre les eaux, il vient essayer sur ces populations l’effet de sa présence et de son esprit. Il ne veut rien, mais il passe des revues en Bohème. En Saxe, il ne veut rien non plus, mais il a une bonne sœur qu’il faut bien visiter. À Darmstadt, il trouve une princesse qui convient à son fils ; puis, avec le temps, les familles se feront des visites réciproques. On l’accuse de vouloir prendre une position sur les bords du Rhin pour observer la France, une autre dans le duché d’Oldenbourg, afin d’entrer un jour par là dans la confédération germanique. Erreur ! calomnie ! il est vrai seulement que l’empereur Nicolas a auprès de lui à Saint-Pétersbourg un neveu, le prince Pierre d’Oldenbourg, qui n’a pas positivement renoncé à l’Allemagne ; et comme ce prince a épousé la sœur du duc de Nassau actuel, il faudra bien que l’auguste couple et l’empereur, qui aime les deux époux comme ses enfans, viennent de temps en temps visiter le duché de Nassau, véritable position de quiconque tient à observer la France, mais qu’on ne prend que par hasard, et seulement pour se trouver en famille.

Contre cette triple influence, que peut l’Allemagne ? Je le dirai tout à l’heure mais il faut montrer jusqu’au bout comment elle est garrottée.

Les traités de 1815, dirigés principalement contre la France, ne purent refuser aux Allemands, qui avaient si noblement combattu pour leur indépendance, la garantie de leurs gouvernemens constitutionnels ; et comme on tenait à avoir la signature de la France, afin qu’elle eût l’air d’adhérer elle-même à son abaissement, la France a signé ces traités. En ayant ainsi adopté les charges, elle en a acquis les avantages ; or, le premier de ces avantages est celui-ci : que la France a garanti par sa signature l’indépendance de tous les états libéraux de l’Allemagne ; que, par conséquent, attaquer un seul de ces états constitutionnels, c’est commettre un attentat contre la France, dont la signature et la foi sont choses sacrées.

Qu’ont fait les souverains d’Allemagne ? Ils ont tourné une position qu’ils n’osaient attaquer ouvertement ; et aux actes de Vienne a succédé un acte final, destiné à placer tous les états allemands sous l’autorité d’un pouvoir central appelé la Diète germanique.

Il faut apprendre ou rappeler au lecteur que la diète germanique est une haute assemblée politique, composée de ministres envoyés ad hoc pour représenter les princes confédérés de l’Allemagne. L’acte final du congrès de Vienne en fixant les attributions et le pouvoir de cette assemblée, a eu soin de l’investir de tout ce qui a rapport à la sûreté intérieure et extérieure de l’Allemagne. Voilà donc tous les gouvernemens allemands dominés par un pouvoir supérieur, indépendant de leurs pouvoirs constitutionnels. Voilà des états où le prince et les deux chambres peuvent adopter une loi à l’unanimité, et où un courrier extraordinaire, expédié par une autorité arbitraire de Francfort, vient annoncer que la loi est repoussée et mise au néant par la diète, qui l’a