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jugée contraire à la sûreté intérieure et extérieure de l’Allemagne. Ainsi, à Bade, les trois pouvoirs proclament-ils la liberté de la presse, la diète n’en veut pas ; ainsi, dans le Wurtemberg, les chambres ont-elles résolu de réduire le budget militaire, la diète s’y oppose, sous prétexte qu’elle a le droit de prononcer souverainement sur ce qui concerne la sûreté de tout le pays. Voilà ce que l’on appelle en Allemagne l’indépendance des états allemands. Et cette indépendance, quelle est sa garantie ? La signature de la France, dans laquelle l’Allemagne espère toujours.

Examinons maintenant la situation militaire. La confédération germanique, dit la Feuille hebdomadaire de Berlin, peut mettre sous les armes quatre cent mille hommes. Nous reconnaissons qu’elle le peut, en effet, mais où ? Et je supplie le lecteur de bien peser l’importance de cette question.

Je sais parfaitement que chacun des trente-six états de l’Allemagne doit fournir au corps confédéré un certain nombre de soldats ; mais ce que je sais aussi, c’est qu’aucun de ces états ne peut être occupé militairement sans voir son territoire envahi et son indépendance confisquée. Lorsque, sous prétexte de calmer des troubles, la diète a fait entrer à Francfort une garnison autrichienne, les priviléges de cette ville libre ont été foulés aux pieds, et la France a protesté, comme elle le devait, contre cette occupation militaire. Qu’a répondu la diète ? Qu’elle avait ce droit d’invasion ? Elle ne l’eût pas osé. Elle s’est bornée à alléguer que le sénat de Francfort avait sollicité lui-même au nom de la ville cette garnison nécessaire pour la sûreté publique.

Ce précédent consacre un principe essentiel qu’il est important de ne pas laisser oublier : c’est qu’un état de la confédération germanique ne peut subir l’occupation des forces même confédérées, à moins qu’il n’en ait fait lui-même la demande expresse. Occuper un de ces territoires avec une armée, ce serait un attentat manifeste à cette indépendance que la France a solennellement garantie. J’ai donc raison de demander à la feuille de Berlin où se fera la réunion de ses quatre cent mille hommes ? Mettra-t-on deux cent mille hommes dans Mayence et deux cent mille dans Luxembourg ? Je sais que les plans sont formés pour donner d’autres places fortes à la confédération, et je connais, dût cette révélation causer quelque scandale dans le cabinet de Berlin, je connais aussi le plan magnifique par lequel la ville libre de Francfort serait destinée à devenir ville prussienne, et à voir ses belles promenades reprendre la forme de bastions et de remparts. Mais Francfort peut être tranquille ; la France a garanti son indépendance, et ne souffrirait pas un tel attentat.

On voit qu’en restant fidèle à la lettre des traités, la France peut en élargir le sens au point de les rendre insupportables à ceux qui les lui ont imposés comme une honte. Mais il faut aller plus loin.

Dans un de ces états dont la France a garanti la constitution, cette constitution a été déchirée. Le roi de Hanovre a foulé aux pieds les traités aussi bien que les droits de son peuple. La France a-t-elle protesté contre ce parjure ? Je l’ignore. Dans tous les cas, si elle l’a fait, sa protestation a été sourde et timide, a laissé croire à un peuple allemand, indignement trompé, qu’il ne lui