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DE LA DÉMOCRATIE
EN AMÉRIQUE,
PAR M. A. DE TOCQUEVILLE.[1]

De tous les faits généraux de notre époque, il n’en est pas de plus puissant et de plus fécond que l’envahissement général de la démocratie. Si elle ne coule à pleins bords qu’en Amérique, en France, en Suisse, elle s’infiltre dans le monde entier : partout elle mine le privilége dans ses bases, partout elle dissout les fondemens de la vieille société et prépare les élémens d’une société nouvelle. Désormais, rien ne peut lui résister. Le despotisme, l’aristocratie, reculent devant elle, perdent tous les jours du terrain et s’estiment trop heureux lorsqu’une transaction temporaire leur donne le temps de respirer et vient les bercer de quelque vaine espérance. À ceux qui douteraient encore de ce fait, nous ne voulons en citer qu’une seule preuve ; mais cette preuve irrécusable et complète ; c’est le signe du temps. Il n’y a plus aujourd’hui un pouvoir, quels qu’en soient le nom, la forme, l’antiquité et la nature, qui ne se trouve obligé de plaider

  1. Tomes III et IV chez Gosselin, Paris, 1840.