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D’UN LIVRE SUR LA SITUATION ACTUELLE.

tions de routes, tandis que, surmontant les justes appréhensions que doit lui donner sa situation géographique, elle donne les mains à un traité qui peut tôt ou tard, dans un sens ou dans un autre, selon la chance des batailles, amener un nouveau remaniement de l’Europe.

En se disposant à montrer les conséquences du troisième évènement qu’il a indiqué, l’habile confident des pensées de Napoléon pose un principe qui ne sied qu’à un homme certain de la résolution et du courage de son pays. C’est, à savoir, que le mal produit par des évènemens de la nature de ceux qu’il cite, ne peut être imputé aux gouvernemens qui les ont fait servir aux progrès de leur puissance, et qu’il faut en accuser bien plus la politique des cabinets qui n’ont su ni les apprécier ni les prévoir. Ajoutons toutefois à ce que dit M. d’Hauterive, qu’il ne faut pas se hâter de juger les cabinets, et qu’avant de les accuser, on doit attendre que des circonstances formelles aient donné la clé de leur conduite.

Au moment où une coalition se forma de nouveau contre la France, Bonaparte adressait, par la bouche de M. d’Hauterive, ces paroles aux gouvernemens européens : « La source du mal est dans l’indiscernement des hommes d’état qui ont cru que la force valait mieux que la politique, qui ont pensé qu’il était au-dessous d’eux de réfléchir avant de se décider pour les partis extrêmes, et que la guerre était un plus noble moyen d’agir que les négociations. Ils n’ont écouté que la voix de la défiance, de la jalousie, de la vanité ; ils se sont fait une idée monstrueuse de la prééminence de la France ; ils ont écouté avec défiance ses conseils, ils ont dédaigné son appui, et quand ils ont vu que, par l’effet de leurs imprudentes combinaisons, des états dont leur imprévoyance avait favorisé l’accroissement, étaient devenus dangereux, ils s’en sont pris à la France… » — Eh bien ! ne peut-on pas dire aujourd’hui que les successeurs de ces hommes d’état ont également recouru sans discernement à la force matérielle, dont les effets sont toujours incertains, et qu’ils sont arrivés à la même détermination que leurs prédécesseurs par des motifs tout contraires ? Ils ont peut-être aussi écouté la voix de la défiance et de la jalousie ; mais en même temps ils ont été mus par l’idée fausse qu’ils se sont faite de la faiblesse de la France, dont leurs agens ont exagéré les divisions intérieures et mal apprécié la conduite prudente et sage.

Jadis, au moins, la France, placée par ses alliances dans une inattaquable position, n’était pas tout-à-fait intéressée, comme le remarque M. d’Hauterive, à l’équilibre, au maintien des rapports existans, et elle agissait en conséquence. Maintenant, au contraire, c’est