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la France qui s’est montrée le plus sincèrement préoccupée du maintien de l’équilibre européen, et si elle a recherché l’alliance des gouvernemens qui adoptaient ses principes, elle n’a rien fait pour inquiéter l’existence des autres. Sous certains rapports, on peut dire qu’elle a sacrifié à la paix des ambitions presque légitimes, ou qui l’étaient autant que celle qui pousse la Russie vers Constantinople et l’Angleterre contre l’Égypte. Il est vrai, et je me hâte de le dire, que, dans les derniers temps, la France attendait son avenir de la paix, et un grand, un sûr avenir. Les puissances le savent sans doute ; et ce n’est en effet qu’en leur attribuant cette conviction qu’on peut expliquer plausiblement l’espèce d’insouciance et de légèreté qui les porte à livrer leur propre avenir aux chances hasardeuses de la guerre. N’est-ce pas toutefois donner encore, dans ce jeu-là même, quelques chances à la France, que de la laisser mettre de son côté, aux yeux des peuples déjà si agités, la modération, la loyauté et le respect inviolable des engagemens ?

Je viens enfin au troisième évènement indiqué par M. d’Hauterive : l’accroissement général des forces maritimes (commerciales ou autres) en Europe.

Le véritable fondateur du système maritime, le véritable auteur des guerres maritimes de l’Europe, on le sait, et M. d’Hauterive le rappelle très bien, ce fut Cromwell. « Considérant, dit-il, la position isolée de l’Angleterre et le caractère à la fois actif et tenace des hommes qui l’habitent, Cromwell conçut l’idée de constituer leur industrie dans un état permanent de contradiction et de guerre avec toutes les industries, et de séparer à jamais leurs intérêts des intérêts de l’Europe. » — Cette idée fut mise en œuvre par le fameux acte de navigation, qui fut un coup d’usurpation décisif et hardi sur les droits et les intérêts commerciaux de toutes les nations. Dès-lors, l’Angleterre se trouva en fait, et se crut en droit, maîtresse de la législation générale de la mer ; elle y frappa tous les navires de ses injonctions impérieuses, et nous avons vu les prétentions établies par cet acte, maintenues jusqu’à l’issue de la dernière guerre maritime soutenue par la France et quelques autres nations du continent contre l’Angleterre, donner lieu à des actes d’hostilité et à des représailles de la part des nations neutres. Les principes politiques professés par l’Angleterre à l’égard des autres peuples changent même si peu, que, si pareille guerre éclatait de nouveau, nous verrions ces doctrines reparaître, et des difficultés s’élever avec les états alliés à elle ou avec les états neutres, sur la question du pavillon, question tant