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fait avec elles plus d’une affaire. Lorsqu’arriva à Barcelone l’invitation de la municipalité séditieuse de Madrid, il fit appeler le président de l’ayuntamiento, et l’engagea à ne pas prêter les mains à ce que l’exemple de la capitale fût suivi ; le président ayant insisté, Espartero lui tourna le dos et rentra dans son cabinet sans le saluer. Plus récemment, il a réprimandé Zurbano pour avoir permis à Lerida de faire son mouvement, et il lui a prescrit d’y rétablir les autorités qui avaient été déposées. Tout cela lui serait compté dans l’occasion.

Pendant qu’il rencontrerait des obstacles dans les élémens révolutionnaires de l’Espagne, il en trouverait d’un autre genre dans les élémens conservateurs du pays. Il faut espérer que les modérés se réveilleraient enfin alors, ou que, s’ils sont décidément incapables de tout mouvement actif, ils se renfermeraient au moins de plus en plus dans cette protestation passive, qui est leur plus grande force. La garde nationale n’irait plus sans doute grossir les rangs de l’insurrection, quand il serait bien avéré qu’il ne s’agirait de rien moins que de substituer un dictateur éperonné à la royauté constitutionnelle. C’est la protestation de la garde nationale de Madrid qui a étouffé la voix de l’Ouragan divulguant avant l’heure les projets des clubs ; cette protestation, quelque sourde qu’elle fût d’abord, grossirait bientôt assez contre l’usurpation d’Espartero pour ébranler l’armée elle-même.

Une partie de l’armée s’est réunie à Madrid à la garde nationale, comme la garde nationale s’était réunie à la municipalité. Ces troupes, dont la plupart se plaignent aujourd’hui d’avoir été trompées, n’ont fraternisé avec les révoltés que parce qu’elles croyaient l’autorité royale hors de la question. Du jour où leur chef sera obligé de marcher ouvertement contre la reine, beaucoup le quitteront. Quelques uns de ses lieutenans se sont déjà déclarés contre lui ; d’autres suivront. On pourrait même aller chercher à Gibraltar, pour le lui opposer, un de ces généraux qu’il a persécutés et réduits à quitter l’Espagne, Narvaez. L’instrument de sa puissance une fois brisé entre ses mains, que lui restera-t-il ? Est-il doué d’un de ces génies puissans qui conjurent la fortune et luttent seuls contre tous ? Qu’on le demande à Linage lui-même.

Ce n’est donc pas la reine qui doit craindre, c’est Espartero. Pourquoi céder alors ? Pourquoi renoncer à son droit ? Pourquoi déserter la cause constitutionnelle ? Tout n’est pas encore perdu, Dieu merci. Indépendamment des points d’appui qu’elle a eus jusqu’ici, la reine en a un nouveau dont nous n’avons pas encore parlé et qui est puis-