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POLITIQUE EXTÉRIEURE.

sant, c’est celui des carlistes ralliés. Les carlistes ralliés sont une des plus fermes espérances de la royauté constitutionnelle en Espagne ; depuis qu’ils ont compris combien le triomphe de l’absolutisme aveugle de don Carlos serait désormais funeste, ils se sont franchement attachés à la jeune Isabelle. C’est dans les provinces basques surtout que cet esprit domine. Ces généreuses provinces ont protesté contre le mouvement de Madrid : sur quelques points, on a proposé de marcher contre la capitale. La reine Christine et sa fille y trouveraient au besoin un asile inviolable, et les plus grands ennemis d’Espartero seraient ceux qu’il a gagnés lui-même à l’Espagne nouvelle par la convention de Bergara.

Quant à nous, Français, nous devons désirer pour plus d’un motif que la reine résiste et l’emporte. Il y a entre le soulèvement qui la poursuit et la situation actuelle de la France en Europe une singulière coïncidence. La véritable cause de ce redoublement de passion, ce n’est pas l’état de l’Espagne, mais l’état de l’Orient ; l’Angleterre ne se contente plus de lutter contre notre légitime influence dans un pays qui nous a déjà coûté tant de sacrifices, elle veut encore le tourner contre nous ; ses intrigues sont les liens secrets qui unissent cette triple conspiration des sociétés secrètes, des municipalités et d’Espartero. Un journal révolutionnaire de Madrid, l’Éco del Comercio, a révélé cette tactique dans un article violent contre la France et contre son ambassadeur ; il y est proposé en propres termes de se joindre à nos ennemis, si la guerre éclate.

Que la reine cède ou soit vaincue, qu’Espartero parvienne à faire contresigner par elle ses volontés, et nous aurons à défendre nos frontières du côté des Pyrénées aussi bien que du côté des Alpes et du Rhin. Espartero appartient maintenant aux Anglais ; il a besoin d’eux comme ils ont besoin de lui. On a pu lire une lettre que lui a écrite le duc de Sussex, oncle de la reine Vittoria, et qui était jointe au grand cordon de l’ordre du Bain. Jamais un grand dignitaire anglais n’a écrit à un étranger avec ce degré d’adulation ; Espartero y est loué de son dévouement et de son respect pour sa souveraine, ironie étrange de la part d’un prince après les évènemens de Barcelone. Quel langage doivent tenir au duc de la Victoire les agens anglais qu’il a toujours auprès de lui, quand de semblables paroles lui viennent des marches du trône britannique !

Si au contraire la reine est la plus forte, ce n’est pas seulement la liberté constitutionnelle qui l’emporte avec elle ; c’est encore le parti français. La France alors peut être tranquille sur les Pyrénées ; elle