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pythagorique, il y eut une communauté parfaite de principes, de doctrines ; mais quel fut le sort, quelle fut la durée de cet institut ? Une philosophie, par sa nature, laisse aux esprits leur indépendance et dès que l’indépendance est reconnue, chaque disciple peut avoir une doctrine particulière, et il est rare que la philosophie du chef d’école se transmette après lui sans altération. Peu d’écoles ont dans l’histoire une aussi longue durée que l’académie ; comparez cependant le système de Speusippe à celui de son maître. Ce n’est plus Platon, c’est Speusippe ; c’est une doctrine toute nouvelle qui rappelle en beaucoup de points la doctrine du maître, mais qui peut-être s’en écarte encore plus qu’elle ne s’en rapproche. Il en est de même de ce que l’on appelle ordinairement l’école d’Alexandrie ; c’est une seule école, parce qu’elle procède d’un même maître, qu’elle emploie la même méthode, qu’elle conspire au même but et qu’elle défend la même cause ; mais chacun des membres qui la composent a son action personnelle, son influence propre, son système à lui ; il y a là plutôt un certain nombre d’écoles analogues qu’une seule école. Deux choses pourraient faire penser que le lien a été plus fort entre les philosophes de cette école, le musée et la chaîne dorée. Mais, quant au musée, qui fut le berceau de la gloire littéraire d’Alexandrie, c’est une institution spéciale dont tous les philosophes de l’école n’ont pas été membres, il s’en faut de beaucoup ; et d’ailleurs le musée n’a jamais été qu’une sorte d’académie dont les membres vivaient en commun sans être soumis à un règlement ni astreints à un travail collectif. Le président du musée, que le roi devait toujours choisir parmi les prêtres, n’était que le premier entre ses égaux, et ne pouvait imprimer aucune direction aux travaux de ses collègues. Pour ce qui est de la chaîne dorée, par laquelle les alexandrins se rattachaient entre eux dans leur école, et rattachaient leur école aux écoles inspirées de siècle en siècle en remontant à Hermès, c’est une conception fort poétique sans doute et qui rappelle le fameux passage de l’Ion ; mais cette chaîne n’était pas tellement serrée, qu’elle détruisît toute liberté et tout mouvement. Il restait quelque place à l’individualité de chaque doctrine et même de chaque philosophe, et il est permis de croire que Syrien, Proclus, Isidore, tout dévoués qu’ils étaient à ce grand intérêt commun du polythéisme et des doctrines de la chaîne dorée, conservaient aussi quelque ardeur pour la propagation de leurs propres idées et pour la gloire de leur nom. Il n’en était pas de même au didascalée ; il n’y avait là ni ambition de gloire ni jalousie de puissance ; on n’avait pas à défendre son influence