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œuvre ! ô ciel et terre ! Que résultera-t-il de cette révolution ? batailles et sang versé, massacres de septembre, ponts de Lodi, retraites de Moscou, Waterloo, Peterloos, réformes parlementaires, guillotines, journées de juillet ! et depuis le moment où nous écrivons ceci, deux siècles au moins de combat (si nous osons prophétiser), deux siècles, et c’est le moins, avant que la démocratie traverse ces tristes et nécessaires époques de charlatanocratie, avant qu’un monde pestiféré soit détruit, avant qu’un nouveau monde verdoyant et frais reparaisse à sa place.

« Membres des états-généraux, assemblés à Versailles, réjouissez-vous, le but lointain et définitif apparaît à vos yeux ; tout l’espace intermédiaire vous est caché. Aujourd’hui sentence de mort est portée contre le mensonge ; sentence de résurrection, à quelque distance que ce soit, est prononcée en faveur des réalités. La grande trompette du monde proclame aujourd’hui qu’un mensonge est impossible à croire : voilà tout. Croyez cela, soutenez cela, et laissez faire au temps. Vous ne pouvez rien de plus, et que Dieu vous aide !

« Regardez cependant, les portes de l’église Saint-Louis s’ouvrent tout à coup. La grande procession marche vers Notre-Dame, un vaste cri, un cri unique, déchire l’air. En effet c’est un spectacle solennel et splendide : les élus de la France, puis la cour de France, tous en rang et en ordre dans leurs costumes respectifs et à leurs places assignées ; nos communes en petits manteaux noirs et cravates blanches ; la noblesse en habit de velours brodé d’or aux nuances éclatantes, ruisselante de dentelles, flottante de plumes ; le clergé en rochet, en aube et dans sa splendeur ecclésiastique ; enfin le roi lui-même et sa maison : tous dans leur splendeur la plus éclatante. Hélas ! c’est le dernier jour de cette splendeur. Quatorze cents hommes, amenés par l’orage politique de tous les points de l’horizon, se réunissent pour une œuvre inconnue et profonde. Oui, dans cette masse qui s’avance silencieuse, il y a de l’avenir endormi. L’arche symbolique ne marche pas devant elle comme devant les anciens juifs : ils ont cependant aussi leur alliance ; eux aussi président à une nouvelle ère dans l’histoire des hommes. Tout le futur est là, toute la destinée qui les couve de ses ailes sombres : l’avenir illisible et inévitable gît dans les cœurs et les pensées flottantes de ces hommes. Singulier mystère ! ils l’ont en eux, l’avenir ! et ni leurs yeux ni aucun œil mortel, mais seulement l’œil suprême, peut le découvrir. Il éclora de lui-même, je vous le jure, dans le feu et le tonnerre, dans les siéges et les champs de bataille, dans le frémissement des drapeaux, le