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catégorie des amnistiés ; le gouvernement qui le poursuivrait lui paraîtrait tyrannique et implacable.

L’exagération et la fausse interprétation de certains points du dogme peuvent donc être également considérées comme une des causes de la perpétuité du brigandage, je dirai plus, comme un véritable encouragement au meurtre. Le catholicisme, mal compris par le peuple, a perverti la morale en se faisant le garant trop facile de l’indulgence divine. L’Italien n’a vu qu’une seule chose dans la confession, l’absolution qui suit l’aveu et le pardon qui accompagne le repentir ; il a compris qu’un seul acte de contrition suffisait pour assurer la rémission des crimes les plus monstrueux. Certain du pardon, il a donc été criminel sans scrupules, et c’est en se promettant de se repentir qu’il a commis le meurtre.

Ces croyances superstitieuses ont eu d’étranges résultats. Ainsi le supplice des grands coupables, destiné à prévenir le crime par l’exemple, a été au contraire une excitation au crime. En Italie, un coupable meurt toujours en se repentant. L’assassin, avant de monter sur l’échafaud, se confesse en public, communie, et, en présentant sa tête au bourreau, baise la croix avec componction. — Cet homme fut bien coupable, mais il est mort comme un saint, — s’écrie le prêtre au moment où le bourreau vient d’achever son office. Voilà donc le brigand tout à l’heure transformé en martyr ; on se dispute comme de précieuses reliques les lambeaux de ses vêtemens ; les assistans vraiment religieux envient même son sort, et il n’est pas sans exemple que de misérables fanatiques aient commis un meurtre pour s’assurer de cette façon la béatitude éternelle. Si la foule ne pousse pas si loin la ferveur, bon nombre de ceux qui la composent commettront du moins le crime avec plus de sécurité, se promettant de faire à leur tour une bonne mort. Une fois criminels, ils s’efforcent d’échapper à la justice humaine, tout en se confiant en la justice divine, et ils se font brigands en attendant l’occasion de devenir saints.

C’est à des causes analogues qu’il faut attribuer ce mélange de superstition et de férocité propre aux brigands. — Il est à peu près certain que nous mourrons de mort violente, disent-ils ; mais quand le danger viendra, nous avons ceci pour nous défendre (et ils montrent leurs fusils), et cela pour adoucir notre mort (et ils baisent l’image de la Vierge). — Outre cette image, les brigands portent encore sur la poitrine, comme un scapulaire, la sainte croix et ses légendes ; c’est pour eux un signe de rémission, et parce que le Christ a pardonné au larron, ils le regardent presque comme un patron. En