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ÉCOLE DES BEAUX-ARTS.

un objet de concurrence d’argent ; l’émulation éclairée de l’art est exploitée et corrompue par la rivalité aveugle et barbare du luxe.

On traverse deux cours pour arriver au palais. Celle qui précède immédiatement l’édifice et qui pourrait être appelée la cour d’honneur, est demi-circulaire. Sa limite, du côté de la rue, est formée par deux grilles latérales entre lesquelles s’élève le monument de Gaillon. La seconde cour, plus vaste, est à très peu près carrée ; elle est bordée à droite par l’église et le bâtiment des études ; à gauche, on n’a pu utiliser les murs nus des maisons particulières qu’en y plaquant une façade simulée en arcades qui répète celle du côté opposé. Sur le pignon correspondant au portail d’Anet, un grand espace de forme ogivale, laissé entièrement nu, attendra probablement long-temps le spécimen gothique destiné à servir de pendant. Cette trouvaille est assez difficile ; car, grace à Dieu, ce n’est plus la mode aujourd’hui de démolir.

Ces deux cours, ainsi entourées et décorées, offrent un coup d’œil d’ensemble pittoresque, mais un peu bizarre. Dans le détail, on pourrait trouver dans cette accumulation d’élémens hétérogènes une bigarrure assez peu sévère, quoique piquante ; mais ces observations ne tomberaient nullement sur l’architecte. Celui-ci, placé entre le double inconvénient d’éliminer et même de détruire un assez grand nombre de débris intéressans, ou de sacrifier ses propres idées, n’a pas hésité. Il n’a pas voulu s’établir sur des ruines et commencer par un acte de vandalisme. Rien, au reste, n’est plus rare chez les architectes que le respect de ce qui est debout ; ils aiment assez faire place nette, et ils n’éprouvent que peu de regret de voir tomber ce qu’ils n’ont pas bâti. Heureusement ici la religion de l’antiquaire l’a emporté sur l’instinct de l’artiste. Ceci bien entendu, il n’y a plus lieu à censure. Il faut, au contraire, rendre hommage à l’habileté qui a su mettre en œuvre et relier, sans trop de dissonances, au moyen de nuances finement ménagées, tant d’élémens discordans, et compenser, par la diversité des effets et l’imprévu des contrastes, le défaut d’unité de style et de caractère, résultat nécessaire du parti adopté. La décoration et la disposition de ces cours s’accordent en outre à merveille avec la destination ultérieure et principale des salles et galeries. Elles offrent en effet une sorte de musée d’architecture et de sculpture en plein vent, qui n’est pour ainsi dire que le vestibule du musée intérieur. Telle a été évidemment la pensée de l’architecte. Elle achève d’expliquer bien des singularités ou anomalies apparentes en leur donnant un but défini et parfaitement convenable. Ainsi, ces incrustations de