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fragmens de pierre et de marbre, débris sans nom de monumens détruits, prennent tout de suite un sens. Mais, à défaut même de ce motif rationnel, l’architecte avait pour lui l’autorité des exemples de ce genre de décoration qui se trouvent en Italie, et en particulier les casins de la villa Médicis, de la villa Panfili et de la villa Borghèse à Rome.

Maintenant, après ce regard jeté sur l’ensemble, il faut, pour les détails, qu’on veuille bien nous accepter comme cicerone et nous laisser parler, en cette qualité, avec toute l’érudition et l’esprit d’un catalogue. Le portail d’Anet, qui formait autrefois la façade de la salle d’introduction du Musée des monumens français, est resté à son ancienne place ; seulement il a été restauré et consolidé. Les figures de bas-reliefs dans les entrecolonnemens du troisième ordre sont de Jean Goujon. L’origine, la date, la destination et les auteurs de cet édifice sont résumés en deux lignes inscrites en or au-dessus de la porte : Façade du château d’Anet bâti en 1548. Henri II fit élever ce monument pour Diane de Poitiers par Philibert de Lorme et Jean Goujon. La porte est composée de panneaux provenant d’Anet, repeints, redorés et réparés. Les chiffres si connus de Henri et de Diane sont authentiques.

Le charmant morceau d’architecture auquel est resté le nom d’Arc de Gaillon fut transporté et relevé en 1802, par les soins du ministre Chaptal et de M. A. Lenoir. C’est un fragment d’une façade du château que le cardinal George d’Amboise avait fait bâtir à Gaillon, en Normandie, en 1500. Ce n’est qu’un débris de débris ; mais, tel qu’il est, on doit des actions de graces à l’architecte qui nous l’a conservé : l’arc de Gaillon avait été en effet condamné par les anciens projets. Restauré avec goût et intelligence, et soutenu par des contreforts, il est à l’abri des insultes du temps, et on n’a plus aujourd’hui autant à craindre celles des hommes. Ce petit monument est le type d’un goût et d’un style qui, vers les premières années du XVIe siècle, traversèrent l’architecture française comme une gracieuse, mais éphémère apparition. On a laissé dans l’arcade supérieure une jolie cuve en pierre de liais, ornée d’arabesques finement ciselées ; elle porte la date de 1542. La grille qui protége et ferme l’arc est, ainsi que celle du portail d’Anet, un ouvrage du temps de Louis XII, mais considérablement retravaillé et modifié autrefois par M. Percier.

La plupart des fragmens encastrés dans les murs de la cour semi-circulaire du palais sont les derniers restes des châteaux de Gaillon et d’Écouen. À droite, les cinq arcades à plein cintre qui donnent