On a dit d’abord que c’en était fait de l’Italie, de Rome, de Florence, de Venise, si on transplantait ainsi leurs chefs-d’œuvre, et que nos jeunes artistes, peu soucieux d’aller chercher bien loin ce qu’ils auront sous la main, perdront ainsi le fruit de ces impressions fécondes et pénétrantes dont l’imagination est si impétueusement frappée en présence des lieux et des monumens classiques. On ajoute que tous ces miracles de l’art qu’une superstition poétique a rendus sacrés, arrachés du lieu où on les adore, perdent tout d’un coup leur caractère divin. Ils deviennent impuissans, froids, insignifians ou inintelligibles, et au lieu de l’admiration et de l’amour, ils ne provoquent que l’indifférence ou le blasphème.
Cette dernière partie de l’objection n’a que trop de portée, mais elle n’est qu’une conséquence d’une objection plus générale et plus fondamentale sur laquelle nous reviendrons ; ainsi, tout ce que nous voulons remarquer ici, c’est qu’elle détruit la première. Si, en effet, ces monumens transplantés n’ont, comme on le dit, rien qui soit capable de séduire les imaginations, s’ils ne réalisent point cet idéal de beauté, de grandeur et de sublimité que le jeune âge rêve et dont surtout il veut jouir, s’ils ne peuvent satisfaire ses ardens besoins d’impressions neuves et fortes, il n’est pas à craindre qu’ils empêchent les jeunes artistes d’aller puiser à la source même de toutes ces choses. Le danger de désenchanter l’Italie est donc bien petit. Les mauvais poètes, les touristes, les Autrichiens, les polices, les douanes, les lazarets, n’ont pu y parvenir. Quelques emprunts nouveaux faits à ses musées, à ses églises, à ses palais, à ses places publiques, ne sauraient ôter à l’Italie le moindre de ses charmes. Disons plutôt qu’en voyant ces fruits étrangers et venus de si loin conserver, séparés de leur tige, tant de saveur, de parfum et d’éclat, on doit demander où croît l’arbre merveilleux qui les porte, et se hâter d’aller en cueillir à pleines mains sur les branches.
On a réclamé contre l’introduction des productions modernes dans l’école, prétendant qu’il n’y avait plus aucune sûreté pour les principes de l’art et la pureté du goût avec un tel voisinage, de manière que la première chose qu’il y aurait à faire, dès que cette catégorie de monumens sera formée, ce serait de les mettre sous clé et de n’en laisser approcher personne. À cela on peut répondre d’abord que, si on craint cette épreuve, il ne faut plus envoyer nos jeunes lauréats en Italie, parce que l’art antique y est partout, et même à Rome, enseveli sous l’art moderne. Le premier, il faut le chercher avec quelque peine dans les musées et les cabinets, tandis que les monu-