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ÉCOLE DES BEAUX-ARTS.

mens du second couvrent la terre, encombrent les temples, les rues, les demeures des grands et des petits. Si Michel-Ange vous effraie, n’allez pas à Florence, car il y est bien plus fort et plus terrible qu’à Paris. Là, rien ne lui résiste, tandis qu’au Musée des Études vous pourrez, avec un avantage incontestable, lui opposer Phidias et bien d’autres encore parmi les anciens. Il y aurait de la puérilité à détourner volontairement les yeux de cette brillante école du XVe et XVIe siècle, sur le seul motif que quelques esprits faibles et quelques talens nuls y pourront trouver un genre de mauvais goût un peu différent du mauvais goût académique. Mais de bonne foi, lequel vaut mieux de l’extravagance ou de l’insipidité ? C’est ce qu’il importe peu de décider. Il est à remarquer aussi que ces mêmes hommes si intraitables sur les principes sont ceux qui voudraient prouver à tout le monde, apparemment comme une opinion très utile à propager, que depuis les Grecs et les Romains, c’est-à-dire depuis deux mille ans ou un peu plus, l’architecture et la sculpture n’ont rien fait qui vaille, et particulièrement dans nos temps. Or, comme dans cet intervalle, et surtout depuis la renaissance, l’étude de l’art greco-romain a été la base exclusive de l’enseignement dans toutes les écoles de l’Europe, on ne voit pas les motifs qui leur font repousser si durement toute modification au système suivi. Que peut-il arriver de pire, en effet, que ce que nous voyons et ce dont ils se plaignent ? Quelle est cette prétendue pureté de goût qui, en définitive, ne sert qu’à constater qu’on ne peut rien faire de bien qui n’ait été fait ? Et que valent des principes sans conséquences ? Quels sont d’ailleurs ces génies naissans que ce grand hérétique de Michel-Ange va corrompre et entraîner à la perdition ? En vérité, je voudrais bien qu’on nous les montrât. Qu’auraient-ils fait sans lui ? Ils auraient mesuré l’Apollon, le Germanicus, et auraient mis au jour, tôt ou tard, au moyen des recettes connues, quelques plats centons académiques. Que feront-ils avec lui ? Ils dessineront le Moïse et la Nuit, et ils produiront probablement quelque caricature. Qu’aura perdu l’art à cette substitution, et qu’auront-ils perdu eux-mêmes ?

Pour être dans le vrai, il faut ne pas s’exagérer l’influence, soit d’un musée, soit d’une école, soit d’un mode quelconque d’enseignement. Si l’art a dégénéré partout, ce n’est pas faute de bons exemples et de bons principes, et s’il ne se relève nulle part, ce n’est pas à cause des mauvais exemples et des mauvais principes. Ses destinées ne sont pas soumises à l’action seule des causes secondes ; elles tiennent à des conditions plus profondes, plus générales, du développement interne