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PERCIER.

ceux qui ne l’ont pas connu, comment parviendrai-je à réaliser l’idée de tout ce qu’il fut par lui-même et de tout ce qu’il produisit par les autres ?

Charles Percier naquit à Paris, en 1764, de parens honnêtes, mais pauvres ; son père, d’origine suisse, était concierge de la grille du pont tournant des Tuileries ; sa mère était attachée à la lingerie de la reine. C’est donc encore un nom illustre qu’il faut ajouter à cette liste nombreuse d’artistes célèbres, nés dans les rangs du peuple, qui ont eu à lutter contre la fortune, et qui sont sortis de la foule à force de persévérance et de talent ; mais c’est une circonstance particulière à M. Percier, et tout-à-fait propre à sa destinée, que sa vie, commencée aux Tuileries, se soit écoulée tout entière au Louvre, et qu’il ait trouvé la gloire dans ce même palais où le sort avait placé sa naissance.

La condition de ses parens, chargés d’une nombreuse famille, ne leur permettait pas de donner à leur enfant ce qu’on appelle une éducation brillante ; la nature y suppléa pour M. Percier. Le goût du dessin, qui s’était manifesté en lui dans les premiers jeux de son enfance, fut une de ces révélations qui manquent rarement dans la vie de l’homme de talent, mais qui se perdent trop souvent dans celle de l’homme du peuple. Heureusement pour notre artiste, son père eut l’intelligence de cette vocation naturelle, et il plaça son fils chez un peintre, M. Lagrenée, qu’il croyait propre à cultiver ses dispositions naissantes. Toutefois la nature fit encore plus pour lui que le maître que son père lui avait choisi. Une chose se faisait surtout remarquer dans ses premières études : c’est que, lorsqu’on lui donnait une figure à dessiner, il y ajoutait toujours des maisons, et quand c’était une maison qu’il dessinait, il ne manquait jamais d’y mettre des figures. Cet instinct de l’architecte, qui se révélait ainsi dans tous les travaux d’un enfant, fut heureusement encore reconnu par son père, qui, mieux inspiré cette fois, fit entrer son fils dans l’atelier de M. Peyre le jeune, architecte du roi, dont l’école jouissait alors d’une célébrité justifiée par la haute capacité du maître, par le nombre et par le mérite des élèves. Dès-lors le jeune Percier se trouva tout entier dans son élément ; rien ne lui manqua plus, en lui et hors de lui, pour devenir un architecte ; et, du moment qu’il n’eut plus besoin des autres pour accomplir sa vocation, on peut dire qu’il la réalisa toute entière à l’âge où la plupart des hommes ne font encore que chercher ou soupçonner la leur. L’habileté qu’il avait déjà acquise à dessiner était devenue pour lui une ressource, aussi bien