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POLITIQUE EXTÉRIEURE.

Au lieu de cela, que fait-on ? Ni les concessions du pacha, ni son langage plein de soumission, ne sont écoutés ; il est destitué et excommunié. On lui répond par la prise de ses vaisseaux, par l’incendie de ses ports. Cette excommunication n’est rien moins qu’un schisme dans l’empire : les musulmans voient, d’une part, le sultan protégé par des nations chrétiennes et dépouillé par elles des principaux attributs de sa puissance, de l’autre, le pacha d’Égypte, connu par son attachement à la foi, se prosternant devant le padishah, mais repoussé par les chrétiens qui l’entourent, et grandi dès-lors par une excommunication qu’eux seuls ont dictée. Le choix entre le chef de leur foi poussé et dégradé par les ennemis de cette foi même, et le vassal révolté contre ce qui est l’œuvre de l’influence étrangère, sera au moins douteux ; or c’est précisément ce qui doit bouleverser l’empire et ce qu’il faut à la puissance qui vise à s’en emparer.

Tandis qu’à Constantinople l’ambassadeur d’Angleterre force le divan à prononcer cette excommunication, à Londres on parle de la faire révoquer. On veut bercer la France de cet espoir. Mais, outre qu’exiger aujourd’hui du sultan cette rétractation serait porter une nouvelle atteinte à sa souveraineté et à sa considération, l’effet de cette concession prétendue ne se réaliserait que lorsque les puissances auraient poussé l’exécution du traité aussi loin qu’elles l’auraient jugé convenable.

La France, recevant, après deux mois, communication officielle du traité, cherche en vain ce qui, de la part de l’Angleterre, pourrait expliquer un changement de politique aussi subit, aussi complet, aussi étrange. Elle ne le trouve pas dans le but avoué du traité, dont aucune clause ne satisfait ni même ne rappelle les intérêts que jusqu’ici l’on a vu poursuivre par la politique anglaise.

Il est évident au contraire que ce traité, tout en proclamant vouloir l’intégrité, l’indépendance et la pacification de l’empire ottoman, partage l’empire, puisqu’il confère à Méhémet, avec le concours des puissances étrangères, des droits de possession héréditaire inaliénables dans la personne du sultan.

L’indépendance de la Turquie est détruite du moment où ces droits sont garantis par des puissances étrangères. L’expérience de la Pologne et des traités de garantie qui en précédèrent les partages ne permet aucun doute sur la portée de ces garanties.

Et quant à la pacification, le schisme dans l’empire, le bombardement des villes de la Syrie, l’occupation éventuelle du territoire ottoman, de sa capitale et des deux détroits, stipulée pour le cas