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accusé de trahison et de lâcheté, il obtint qu’un vaisseau français le conduirait en Angleterre.

La révolution de juillet eut lieu. Mina accourut en France. Chargé par la junte des réfugiés de pénétrer en Navarre, il perdit à Bayonne un temps précieux. Lorsqu’il se décida enfin, son apparition prévue ne causa aucun trouble dans le royaume. Obligé de se sauver seul, il se réfugia de nouveau en France, où, pendant trois années, il épia l’occasion de reparaître sur cette scène de discorde, que sa dernière mésaventure ne lui enlevait ni le goût ni l’espoir d’occuper encore. Puis il alla mendier inutilement le secours de don Pedro pour insurger la Galice, et, peu de temps après la mort de Ferdinand VII, il vint de nouveau agiter la Péninsule. La guerre de guerilleros avait été recommencée par Santos-Ladron au profit de don Carlos ; on se souvint de Mina, qui en avait été le héros. Il reçut le commandement de l’armée destinée à agir contre les carlistes. Accueilli froidement à Pampelune, le nouveau vice-roi, incapable de diriger les opérations militaires, laissa aux généraux Oraa et Cordova le soin de poursuivre les rebelles. Lorsqu’enfin il se décida à marcher en personne, les factieux étaient aux portes de Pampelune. Mina sortit enveloppé d’une grosse houppelande, coiffé d’un chapeau rond recouvert d’un taffetas vernis, à cheval sur une grande mule blanche, les pieds dans des étriers de bois en forme de sabots, et tenant dans ses mains des cordes qui lui servaient de rênes ; à sa gauche, l’ancien chapelain Aposteguy, sa créature la plus dévouée, qui portait à un large ceinturon en cuir le sabre du général en chef ; un peu en arrière, les aides-de-camp et les officiers d’ordonnance, vêtus chacun d’un costume différent, et talonnant de misérables haridelles qui fléchissaient sous le faix des bagages. L’inhabile général revint dans sa capitale sans avoir su même rencontrer l’ennemi. Une seconde sortie ne fut pas plus heureuse, et rien ne manqua à la mystification de Mina, ni le ridicule, ni la publicité. Blessé dans sa réputation, humilié dans son amour-propre, accablé, souffrant, mais soutenu par l’espoir de se relever, il prépara une nouvelle expédition, à la grande joie de ses incorrigibles admirateurs. Cette fois encore il la conduisit avec une si déplorable ignorance, que si Zumalacarreguy avait eu plus de talent militaire, c’en était fait de l’armée de la reine. Il est vrai que Mina crut se venger de sa défaite en faisant compter par cinq les habitans assemblés du village de Lecaroz, théâtre de sa dernière entreprise, et fusiller sur-le-champ tous ceux que désignait le nombre. Ils étaient coupables d’avoir, dans un banquet, porté des toasts au prétendant. Après l’exécution, le village fut livré aux flammes. Ce fut le dernier exploit de Mina.

Intérieurement convaincu de son impuissance, aigri, malade, il comprit sa position, et se décida à prévenir une éclatante disgrace en écrivant à la reine. On mit à le remplacer par le général Valdès un empressement dont il se sentit avec raison vivement blessé. Il s’achemine alors vers la France, sans qu’un seul témoignage d’affection l’accompagne, sans espoir, sans renommée, devenu ridicule, méprisé de ses ennemis, peut-être aussi de ses amis désabusés. En 1835, des juntes hostiles au gouvernement s’organisèrent en Catalogne.