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REVUE. — CHRONIQUE.

Les ministres, alarmés, craignaient de voir, comme dans la guerre de la succession, la Catalogne se séparer du reste du royaume. Mina y fut envoyé comme capitaine-général. Il ne rendit aucun service, il était usé, son rôle était fini. Il mourut le 25 décembre 1836.

Palefrenier, colonel, général, guerillero, vice-roi, la seule vertu militaire de Mina fut une incroyable férocité, toujours cruel, cruel contre les Français, cruel contre les Espagnols, soit qu’il commande pour le roi, soit qu’il agisse pour la liberté constitutionnelle. Successivement exaltado, absolutiste, républicain, il fut toujours impitoyable pour le parti qu’il ne servait pas. C’est à la terreur qu’il inspirait qu’il dut son élévation. Invisible dans les montagnes, Mina était une puissance ; vu de près, ce n’était qu’un bourreau.

En traçant cette histoire des deux Mina, en rectifiant les idées répandues sur leur compte, le général Saint-Yon a rendu un véritable service. Mina passait pour un héros : on le jugera. On verra quelle guerre nous faisait ce chef des insurgés de la Navarre, quels sentimens l’animaient lorsqu’il combattait pour l’indépendance de son pays.

M. de Saint-Yon a écrit, si l’on peut dire, d’une façon militaire. Il voulait suivre et peindre des guerilleros, il a écrit en guerillero. Je m’imagine qu’après une marche, après un combat, après une reconnaissance, il rédigeait ce qu’il avait vu, ce qu’il avait entendu, ce qu’on avait exécuté. La guerilla s’avance, j’entends les propos des compagnons de Mina qui vont à leur proie ; les conseils féroces autour des feux du bivouac s’agitent devant nous. M. de Saint-Yon ne raconte pas, il met en action. J’avoue que j’ai quelque peu regretté cette manière ; le style est plus pittoresque sans doute, mais il est moins grave. Si la majesté de l’histoire ne pouvait descendre jusqu’à tracer la vie des Mina, M. de Saint-Yon nous devait des mémoires plus sérieusement composés. Il ne fallait pas donner l’air d’un roman à de pareils faits, dont la triste réalité n’est que trop incontestable. M. de Saint-Yon a éclairci une page obscure encore de nos grandes annales. Il a écrit avec esprit, avec chaleur ; mais il s’est trompé dans la forme.


L’homme animal, par M. le docteur Voisin[1]. — La phrénologie peut être envisagée sous un double point de vue, ou comme ayant la prétention de diagnostiquer les puissances actives et passives de l’homme par les diverses formes ou saillies du crâne, et alors c’est la crânioscopie proprement dite ; ou comme théorie physiologique, et, sous ce second aspect, elle touche à la métaphysique. On croit en général que la phrénologie implique nécessairement le matérialisme : je suis quelque peu sceptique à l’endroit de la phrénologie ; mais cette opinion me paraît une erreur qu’il importe de réfuter. Si on examine la phrénologie comme explication ontologique de l’homme et de ses pouvoirs, on la voit aboutir à deux solutions principales : ou bien l’homme

  1. Un vol. in-8o, chez Béchet, place de l’École de Médecine, 4.