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Page:Revue des Deux Mondes - 1840 - tome 24.djvu/332

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REVUE DES DEUX MONDES.

taillée et approfondie du caractère de don Pèdre. Elle est, sous ce rapport surtout, si digne d’attention, que nous n’hésitons pas à l’insérer ici tout entière malgré sa longueur.

Le roi, chassant pendant une nuit orageuse aux environs de Séville, s’est trouvé séparé de ses courtisans et s’est complètement égaré. Un vieillard qu’il rencontre, et à qui il ne se fait pas connaître, lui offre l’hospitalité. Ce vieillard, c’est Jean Pascal, qui le conduit dans une vaste habitation dont l’aspect représente une existence aisée et rustique tout à la fois. Une conversation animée s’établit entre les deux personnages.


Jean Pascal. — Mon gentilhomme, vous voici dans ma maison ; vous y passerez la nuit comme je vous l’ai proposé, puisqu’une heureuse rencontre m’a procuré le bonheur de vous rendre ce service.

Le Roi. — J’accepte votre offre avec reconnaissance. Je faisais partie de la suite du roi. Engagé dans l’épaisseur d’un bois que je n’avais jamais parcouru, je m’y suis perdu à l’entrée de la nuit : j’ai essayé de me diriger vers la lumière que je voyais sortir de ce village. C’est alors que je vous ai rencontré, et qu’avec tant d’empressement et de courtoisie vous m’avez proposé de me recevoir chez vous.

Jean Pascal. — Trêve de complimens. Vous voyez bien que c’est sans savoir seulement qui vous êtes que je vous ai ainsi accueilli. Il ne faut donc y voir qu’une habitude de ma part, un témoignage d’humanité que tout autre voyageur eût reçu de moi aussi bien que vous.

Le Roi. — Il en eût éprouvé la même reconnaissance.

Jean Pascal. — Changeons de propos. Léonor, je suppose que la chambre des étrangers est toute prête comme à l’ordinaire. C’est là que couchera notre hôte. Ajoute à notre pauvre souper de tous les jours quelque chose qui le rende digne de celui qui va y prendre part. En attendant, fais-nous apporter des siéges. Si vous le trouvez bon, nous passerons le temps à causer.

Le Roi. — Comment s’appelle ce village ?

Jean Pascal. — Il s’appelle Jean-Pascal. On n’y compte que huit ou dix maisons occupées par les domestiques que j’emploie à garder les troupeaux et à cultiver les terres qui me composent, grace à Dieu, une fortune plus que moyenne. C’est de là qu’il a pris son nom.

Le Roi. — Vous vous appelez donc Jean Pascal ?

Jean Pascal. — Ce nom est aussi connu dans ce pays que celui du roi don Pèdre en Espagne. Et vous qui me faites ces questions, quel est le vôtre, mon gentilhomme ?

Le Roi. — Don Pèdre de Castille.

Jean Pascal. — Seriez-vous parent du roi ?

Le Roi. — Je ne dois pas vous cacher que je suis aussi noble que lui.

Jean Pascal, à part. — C’est bien là la vanité espagnole. (Haut.) Quant à moi, seigneur don Pèdre, je ne suis que ce que vous voyez. Je suis né dans les montagnes de Léon. J’ai servi le roi quand j’étais jeune ; devenu vieux, je