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DE LA MISE EN SCÈNE CHEZ LES ANCIENS.

tour de représentation, fixé par le sort[1], était arrivé, le plus ou moins de célébrité du concurrent était un sujet de joie ou de contrariété pour l’assemblée : « Quel déplaisir j’ai éprouvé l’autre jour au théâtre, dit un personnage d’Aristophane ; j’attendais depuis longtemps qu’on annonçât Eschyle ; le héraut s’écria : Théognis ! fais paraître le chœur[2] ! »

À Rome, l’annonce des jeux se fit long-temps aussi par la voix des hérauts. La formule de la proclamation était : Convenite ad ludos spectandos. Elle variait suivant les fêtes. Celle des jeux séculaires, par exemple, était : Convenite ad ludos quos nec spectavit quisquam, nec spectaturus est. « Venez assister à des jeux que nul d’entre vous n’a vus ni ne verra[3]. » Les hérauts annonçaient même à Rome l’heure où partait le convoi des personnages illustres[4], cérémonie qui, comme on sait, était souvent suivie de jeux scéniques. Quant au titre et au sujet des pièces, ils n’étaient annoncés aux spectateurs que par l’acteur chargé du prologue.[5].

Il y eut plus tard, sous les empereurs, un mode très singulier d’annonce. Les consuls, avant de partir pour leurs provinces, se faisaient précéder de lettres officielles, où ils exposaient leurs vues administratives. Ces missives, ou, comme nous dirions aujourd’hui, ces programmes, étaient renfermées dans des diptyques, ou doubles tablettes d’ivoire sculpté. Le bas-relief de la partie supérieure représentait d’ordinaire le magistrat assis sur sa chaise curule, tenant d’une main le sceptre consulaire (scipionem) et donnant de l’autre, avec la mappa, le signal des jeux. Dans le bas, étaient figurés les divers spectacles promis à la province. Sur presque tous les diptyques consulaires venus jusqu’à nous, et qui sont assez nombreux[6], on voit représentés les jeux de l’amphithéâtre et du cirque, sur un ou deux seulement des jeux scéniques[7]. Cela vient de ce que la plupart de ces monumens datent des IIIe, IVe, Ve et VIe siècles, époques où les courses et les combats d’animaux étaient beaucoup plus estimés et incomparablement plus fréquens que les représentations dramatiques.

  1. Sueton., Ner., cap. XXV.
  2. Aristoph., Acharn., v. 9-11.
  3. Sueton., Claud., cap. XXI. — Herodian., lib. III, cap. VIII. — Outre les cas de longévité, l’irrégularité dans la célébration des jeux séculaires a fait plusieurs fois mentir cette proclamation.
  4. Terent., Phorm., act. V, sc. VII, v. 38.
  5. Souvent, quand la pièce était ancienne, le jeu des flûtes, qui précédait le prologue, suffisait pour faire deviner le titre de la pièce aux spectateurs. V. Donat., De comœd. et tragœd.
  6. La Bibliothèque du roi possède plusieurs très précieux diptyques.
  7. Gor., Thes. diptyc., tom. II, tav.XIII et XX.