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sur ses pas, il est évident qu’il cherchait en effet à percer la ligne ennemie pour rentrer à Orduña, et qu’il ne put y réussir.

Ici se termine la première partie et comme le prologue de l’expédition. Elle débute par un échec, mais accompagné de circonstances brillantes : c’est ce caractère qui lui restera. Ses proportions vont d’ailleurs s’accroître. Si Gomez était parvenu alors à rejoindre le quartier-général, son entreprise n’aurait rien eu de bien distinctif, et se serait à peu près confondue avec celles de Sanz, de Negri, de Zaratieguy et des autres généraux de don Carlos qui ont essayé en vain de faire rayonner la guerre civile autour de son centre. Mais ce n’était pas là sa destinée. L’expédition qui avait paru sur le point de finir, était au contraire au moment de commencer véritablement. Un conseil de guerre fut assemblé le 8 août à Pradanos de Ojeda ; tous les officiers de l’armée y assistèrent ; Gomez leur proposa, puisque l’entrée des provinces leur était interdite, de se jeter bravement dans le cœur du royaume, de le parcourir au hasard, et de chercher, s’il le fallait, jusque dans les provinces les plus reculées, les élémens d’insurrection qui lui avaient manqué dans les contrées qu’ils venaient de traverser. La proposition fut acceptée et exécutée sur-le-champ ; il en fut donné avis au quartier royal par un message, mais la division se mit en marche sans attendre l’approbation du roi.

Cordova avait cru saisir et enfermer Gomez entre les colonnes d’Espartero et les siennes, et il ne fit que le forcer à se jeter sur la Castille ; il n’avait pu prévoir cette fuite audacieuse, qui déjouait tous ses projets. C’est du reste ce qui s’est reproduit très souvent dans la suite de l’expédition. Les généraux qui poursuivaient Gomez l’ont mis presque toujours dans la nécessité de tenter, pour leur échapper, ses coups de main les plus inattendus. Ils empêchaient ce qu’il voulait faire ; mais en se portant sur les points menacés par lui, ils lui livraient ailleurs une proie qu’il ne manquait pas de saisir. Nous le verrons encore contraint de prendre des villes et de jeter le désordre dans des provinces entières pour se mettre à l’abri ; commençons par le suivre en Castille, où il était entré en quelque sorte malgré lui, et où il n’avait aucune envie de rester.

Pendant une de ces marches et contre-marches dans les Asturies qui précédèrent le départ de Gomez pour le centre de la Péninsule, Espartero avait atteint à Escaros, dans le val de Ruron, une partie des troupes de l’expédition commandées par Arroyo, et il n’avait pas eu peine à obtenir sur elles un léger avantage. Aussitôt un de ces bulletins emphatiques dont les généraux constitutionnels ont fait un