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cap Blanc jusqu’à l’ancienne Mamora, la côte dessine un grand arc rentrant. Vers le point qui correspond au centre de cet arc, l’Atlas se dilate et forme ainsi un resserrement de terre. Au même point, sur un espace de huit lieues, se trouvent le bois de la Mamora et deux rivières, le Buregreg et le Sébou ; la dernière, navigable en hiver, remonte jusqu’à Fez. Les montagnes et les vallons de l’Atlas sont, dans cet endroit, occupés par les Bérebères, les plus sauvages habitans de l’empire, qui rendent le passage de la montagne impraticable, même aux courriers du sultan. Les armées, les agens de l’administration et du commerce ne peuvent passer du nord au sud de l’empire que par cette voie difficile, par cette côte étroite, hérissée et couronnée d’obstacles.

C’est sur ce terrain que sont situées les villes de Rabat et de Salé, de chaque côté et sur l’embouchure du Buregreg. Quand les royaumes de Fez et de Maroc étaient isolés l’un de l’autre, ces villes formaient la limite des deux états. Elles profitèrent de leur position, des guerres incessantes allumées entre les deux souverains, et du poids qu’elles jetaient dans la balance, pour se faire une existence indépendante et privilégiée dans toute l’Afrique. Plus tard, leurs dissensions intestines ayant provoqué l’intervention des sultans, ceux-ci les combattirent l’une par l’autre, et les soumirent au même joug.

Les populations qui habitent le Maroc nous offrent trois races, ou pour mieux dire trois castes séparées, les Bérebères, les tribus de la campagne, et le peuple des villes.

Quelle que soit l’origine des Bérebères, habitans primitifs de l’Afrique septentrionale, aujourd’hui retranchés dans les montagnes de l’Atlas, cette origine diffère de celle des peuples de la plaine, pour le caractère physique, les mœurs, le langage et les rites. Les deux races, bien qu’unies en Mahomet, ne s’allient jamais entre elles ; elles sont même presque toujours en guerre. Le sultan n’a d’autre autorité sur les Bérebères que celle dont les saints personnages vénérés par eux sont les intermédiaires. Occupant des positions inexpugnables, ils les quittent quelquefois pour cultiver les parties rapprochées de la plaine, et, après les moissons, ils regagnent la montagne. Souvent ils saisissent le moment où le sultan est éloigné, et pillent les moissons des douars. Dès que l’armée du sultan approche, ils se retirent et emportent leur butin.

Les Chellus, qui habitent aujourd’hui les confins du désert, la partie de l’Atlas la plus basse, la plus accessible et la plus rapprochée de la côte, sont, comme le prouve l’identité du langage et du