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LE MAROC ET LA QUESTION D’ALGER.

paix qui fut rétablie en 1778. Le commerce hollandais fut long-temps prospère au Maroc ; dès le milieu du XVIIIe siècle, les marchandises exportées de ce royaume à Marseille y trouvaient un débouché très avantageux ; mais l’Angleterre, une fois maîtresse de Gibraltar, en fit un grand dépôt des manufactures anglaises et s’empara de tout le commerce d’importation.

Les Portugais, long-temps habitans des côtes de l’Afrique, avaient habitué les Maures à leur industrie et à leur caractère. En 1769, forcés d’évacuer Mazagan, leur dernier établissement, ils remplacèrent les postes militaires par des maisons de commerce, et passèrent avec le sultan un traité assez avantageux, qui leur permit de conserver avec la côte occidentale des relations actives. Lisbonne était alors pour les Maures ce que Gibraltar est aujourd’hui. Là se rendaient, montés sur des vaisseaux portugais, les juifs et les Maures qui se hasardaient à sortir de Barbarie. Ils y allaient faire leurs achats, porter leurs marchandises, et lier connaissance avec la civilisation européenne. La décadence de la marine portugaise et la concurrence de Gibraltar ont détruit ces communications. À peine aujourd’hui le pavillon portugais apparaît-il sur quelque rade, à bord de petits misticks qui viennent chercher un fret pour Gibraltar, ou sur la poupe de petits bateaux pêcheurs qui pendant la belle saison stationnent à la bouche du détroit.

Le pavillon sarde se montre assez souvent sur la Méditerranée et sur l’Océan. La plupart des navires génois viennent poursuivre dans les rades de Barbarie leur spéculation habituelle, la spéculation du fret. Ils apportent des marchandises prises à Gibraltar, et chargent des marchandises pour Gibraltar et Marseille. Les relations des deux pays n’ont pour base que les différences éventuelles dans le cours des marchandises. Quant aux États-Unis, en changeant le mode de taxation des laines importées de l’étranger, ils ont tout à coup dirigé vers la côte occidentale de la Barbarie, un nombre prodigieux de commerçans et de navires américains. Pendant trois ans consécutifs, une quantité considérable de laine a été exportée de Mogador, Safi, de Mazagan, de Casablanca et de Tanger ; mais le système de transaction suivi dans les deux pays, irrégulier et vicieux, ne pouvait servir de base à des rapports continus. Le prix des laines ayant subi au Maroc une hausse inaccoutumée, le commerce se trouva dérouté, les droits de douane suivaient la hausse, tous les marchés furent bouleversés. Des fraudes tentées par les négocians américains furent découvertes, et à l’arrivée des dernières cargaisons il y eut procès, saisies, faillites.