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lieu de bondir sur les flots où les appelle leur marche légère, révélé par l’excellence de leur coupe.

De temps en temps, l’amirauté, qui réside à Rabat, vient faire une tournée à Larache pour visiter la déplorable flottille et les magasins des agrès, pour faire changer les doublures, renouveler les peintures, jouer les pompes, pour asphyxier les rats et réparer leurs ravages ; puis l’amiral remonte sur son âne et rentre dans le calme de ses foyers, interrompu seulement par quelque expertise d’avarie.

La côte marocaine, dans toute sa longueur, est d’un accès difficile. Elle n’offre que deux ports assez sûrs et assez grands pour servir de station à des navires de haut bord ; ce sont précisément ceux qu’on a abandonnés. L’un est la baie de Sainte-Croix, où les Portugais avaient fait un établissement et construit une forteresse, et dont, en 1773, la population fut tout entière transportée à Mogador. L’autre est l’ancienne Mamora, entre Larache et Rabat, enceinte vaste, profonde, abritée de toutes parts, d’un accès facile, et dont un gouvernement civilisé aurait pu faire un des premiers ports de l’Océan. Les Maures l’ont laissé s’ensabler, et la bouche en est fermée ; c’est aujourd’hui un grand lac qui n’est en communication avec la mer qu’au moment de l’afflux. Le port de Valédia serait bon si l’entrée, hérissée d’écueils, n’offrait de grandes difficultés qui en ont nécessité l’abandon.

Ces trois ports exceptés, on ne rencontre plus, sur toute l’étendue de la côte, que des rades foraines plus ou moins dangereuses et des embouchures de rivières dont la barre, toujours ensablée, mais plus ou moins suivant la saison, ne laisse passer que de petits navires de commerce. La meilleure rade est celle de Tanger, quoique, par les vents d’est et de sud-est, elle soit difficile à tenir. Celle de Tétouan, où la flotte du sultan hivernait autrefois, à l’abri d’un grand rocher, sur la bouche de la Bouféga, n’est pas tenable par les vents d’est. Celles de Saffi et de Casablanca joignent à cet inconvénient celui d’avoir un mauvais fond. Celles de Mazagan et de Mogador n’offrent un mouillage commode aux gros navires qu’à une grande distance de la terre. La barre du Sébou est devenue impraticable aux navires de moyenne grandeur, ainsi que celle de la Morbeya. Les rivières du Lyxos à Larache, et du Buregreg à Rabat, sont les seules que le commerce fréquente aujourd’hui. Elles n’admettent que les navires de plus de 100 tonneaux et de coupe marchande. Le tremblement de terre de 1775 donna à la passe de Rabat jusqu’à trente pieds de profondeur à la marée haute. Ce fut alors que l’on y construisit des