de ses vues commerciales et de son plan d’économie, leur sacrifie tous les autres intérêts du pays.
Les anciens chantiers de construction, celui de Rabat particulièrement, qui a lancé jusqu’à des corvettes de 36 canons (les plus grandes que l’on ait construites au Maroc), ne conservent encore un peu de mouvement et de vie que grace à la fabrication des grandes chaloupes qui servent à la douane et au passage des caravanes sur les rivières. Le sultan fait cette spéculation pour son propre compte, et en retire un intérêt de 100 ou de 200 pour 100 par an. Le bois entre Al-Kassar et Larache, la magnifique forêt séculaire de la Mamora, située à deux heures de Salé ; les bois de Schaouïa et de Tamesna, qui fournissent la gomme dite de Barbarie, grandissent et s’étendent, appelant la hache et les efforts de l’industrie. Muley-Abderraman ne s’écarte pas de sa route parcimonieuse. En 1827 seulement, lorsqu’il se déclara l’ennemi de toutes les puissances qui n’avaient pas de représentant au Maroc, il voulut que sa marine possédât au moins un navire d’origine moresque. Son amiral Brittel fut chargé de construire une corvette ; huit ans furent consacrés à cette grande œuvre ; la guerre et les négociations avec tous les peuples du globe eurent le temps de s’achever avant la corvette. Les huit ans révolus, la corvette n’était pas lancée ; la patience du sultan se lassa, l’amiral et l’ingénieur tremblèrent. Après une scène tumultueuse, à laquelle toute la ville prit part ; après les efforts, les cris et les hurlemens de plusieurs milliers d’ouvriers pris en corvée dans les rues de Rabat et de Salé ; après bien des cordes cassées, des bois brisés, des efforts frénétiques ; grace encore au concours de tous les marins, de toutes les barques, de tous les agrès des navires européens qui se trouvaient alors mouillés dans la barre du Buregreg, la corvette finit par se traîner jusqu’à la mer. Le travail de la sortie fut aussi pénible que celui de la mise à flot, parce que la barre avait à peine la profondeur suffisante pour le passage du navire en lest et démâté. Vinrent ensuite la difficulté de marcher et d’arriver à Larache, puis celle d’entrer dans le Lyxos. Cette singulière odyssée une fois terminée, la corvette fut traquée sur la rive, mouillée sur plusieurs ancres qui ne devaient plus la lâcher, et elle sembla de temps en temps près de se coucher sur le sable, comme pour s’y endormir. Elle a pour compagnons d’infortune une autre corvette, un brick, une goélette et un schooner, tous de construction européenne, achetés ou reçus en cadeau. La goélette et le schooner sont de petits navires charmans qui pourrissent dans l’inertie et à la chaîne, au