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claré qu’il abdiquerait, soyez sûr qu’il abdiquera. En effet, la semaine suivante, le roi se retira au Loo avec sa famille et ses ministres. Là, après avoir exprimé assez brièvement sa déterrmination, il prit l’acte d’abdication qu’il avait fait préparer, le signa, salua son fils du nom de roi, puis se mit gaiement à table avec ses enfans. Jamais, au dire des personnes qui assistaient à cette séance, il ne s’était montré plus calme, et jamais il ne signa un acte d’une main plus sûre.

On a beaucoup disserté en Hollande et ailleurs sur les motifs qui avaient porté le roi à se démettre ainsi tout à coup de son pouvoir. Il en est un qu’il a exprimé lui-même dans sa proclamation et qui fait honneur à sa loyauté. C’est celui qui est fondé sur le changement apporté à la constitution de 1815. Pour en comprendre toute la valeur, il est nécessaire de reporter ses regards vers cette époque. L’année 1813, que l’on célèbre encore en Allemagne comme une ère de salut, fut aussi pour la Hollande, une année à jamais mémorable. Pendant près d’un quart de siècle, la pauvre Hollande avait cruellement souffert. Tour à tour envahie par les armées de la convention, organisée en république, puis en royaume, puis rejointe comme une province à l’empire français, elle avait subi toutes les phases de nos différentes révolutions sans en partager la gloire, sans profiter de nos conquêtes. Napoléon appelait le peuple hollandais une estimable société de marchands, et le pressurait de sa main de fer pour en tirer des hommes et de l’argent. Le règne du roi Louis eût pu adoucir les plaies de ce malheureux pays, si Louis avait été maître de suivre ses généreuses impulsions. Il aimait la Hollande, et les Hollandais lui savent gré encore du bien qu’il voulait leur faire, des sympathies qu’il leur témoigna. Mais, avec son titre de roi, il n’était lui-même que le premier préfet de son frère. Au-dessus de lui, il y avait l’autorité de l’empire, autorité active, jalouse, irrésistible, qui s’immisçait dans tous ses actes, prévenait ses desseins, suspendait ses résolutions. Pendant cinq ans, Louis résista de toutes ses forces à ce pouvoir extérieur qui maîtrisait le sien ; mais enfin, hors d’état de soutenir plus long-temps une lutte incessante, il ne voulut point paraître complice des mesures qu’il réprouvait, et se retira. La Hollande fut alors réunie à l’empire, divisée en départemens gouvernée de nom par l’ancien consul Lebrun, et de fait par des préfets étrangers, rigoureux instrumens des volontés de leur empereur. Les réquisitions, les levées d’hommes et d’argent, les emprunts forcés, reprirent alors leur cours. Les lignes de douane, dont le roi Louis laissait secrètement tromper la surveillance pour favoriser le