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un autre système. De chaque côté beaucoup de calme avec beaucoup de ténacité, et à la fin de la lutte une réforme importante qui pourrait bien en amener encore d’autres plus décisives. Qu’il nous soit donc permis de rappeler des faits en partie déjà connus, mais en partie peut-être oubliés, pour en démontrer plus clairement les conséquences et en faire pressentir les résultats futurs.

Quand la nouvelle de la révolution belge arriva à La Haye, le roi avait encore à choisir entre trois partis pour prévenir les suites de ce grave évènement. Il pouvait de prime-abord accepter cette révolution comme un fait accompli, et tâcher d’obtenir du pays insurgé les conditions les plus favorables pour la Hollande, ou ramener sous son pouvoir par de promptes concessions les provinces révoltées, ou enfin employer la force et les moyens de répression. Ce fut à ce dernier parti qu’il eut recours, et à voir l’empressement et l’enthousiasme avec lequel toute la Hollande accueillit son appel aux armes, on eût pu croire qu’en adoptant ce moyen rigoureux, il avait été bien inspiré. De tous côtés le cri de guerre produisit une sorte de commotion électrique. Jeunes et vieux, riches et pauvres, chacun se montra animé de la même ardeur et aspirant au même but ; chacun faisait à la patrie le sacrifice de son repos, de ses biens ou de son sang. Les jeunes hommes de la Frise, à la taille élancée, aux membres robustes, traversaient le Zuyderzée le fusil sur l’épaule, et venaient demander à combattre. Les négocians d’Amsterdam quittaient le comptoir et se faisaient enrôler dans la milice, et toute cette troupe de volontaires s’assemblait sous les ordres de ses chefs en célébrant dans ses refrains populaires la gloire de sa patrie et le nom de son roi. Depuis le temps où la Hollande défendait si glorieusement contre l’Espagne sa religion et son indépendance, on n’avait peut-être pas vu dans ce grave pays tant d’ardeur pour une même cause et tant d’unanimité. Lorsqu’en 1831 le prince d’Orange entreprit sa campagne de Belgique, il menait à sa suite plus de quatre-vingt mille hommes, et dans l’armée de mer il y avait un jeune officier sorti de l’hospice des orphelins d’Amsterdam, le jeune Van Speyk, qui donnait l’exemple d’un dévouement antique en se faisant sauter, comme notre valeureux Bisson, pour ne pas livrer son bâtiment à l’ennemi.

Cependant, en prenant les armes, la Hollande obéissait à un sentiment de fierté nationale vivement blessé, plutôt qu’au désir de reconquérir la Belgique. Et quel avantage pouvait-elle avoir à se réunir à ce pays, à part celui de former, par cette réunion, une puissance politique plus forte et plus imposante ? Son intérêt commercial