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tème d’agriculture qui y a été introduit par l’habile général Van der Bosch, elles sont devenues pour la Hollande une source de prospérité, une véritable mine d’or.

Sous plusieurs rapports, Guillaume Ier est, selon nous, l’un des types les plus marqués du caractère hollandais. Comme le peuple hollandais, il cache sous des dehors réservés de nobles et sérieuses qualités ; comme lui, il se plaît à la patiente élaboration, au détail des affaires, il a l’amour du commerce, le génie des spéculations et, s’il n’avait pas été roi, il aurait bien pu être le premier armateur d’Amsterdam. Comme lui enfin, il est ferme dans ses résolutions et persévérant dans ses projets ; mais sa persévérance a été trop loin. Il y a dans les qualités de l’homme, comme dans tout ce qui tient à la nature humaine, une sorte de fatalité ; l’essentiel, quand on les possède, n’est pas tant de les mettre en œuvre que de savoir les contenir et les employer à propos. Carpe diem ! disaient les anciens. Telle qualité qui dans certaines circonstances, et parmi certains hommes, pourrait avoir un effet puissant, ne produira peut-être ailleurs qu’un résultat funeste. Au XVIe siècle, la persévérance de Guillaume-le-Taciturne a sauvé la Hollande ; au XIXe, celle de Guillaume Ier a fait la désolation de ce pays. À trente ans, il montait sur le trône, entouré de tous les vœux, de toutes les bénédictions de ses sujets. Le pays entier s’abandonnait à lui avec amour et confiance, et, dans le cœur du riche comme dans celui du paysan, son nom n’éveillait qu’un sentiment d’espoir et de vénération. Deux erreurs lui ont fait perdre cette immense popularité : son obstination à vouloir reconquérir la Belgique, et son projet de mariage avec Mme d’Outremont. Établie il y a quelques années en Hollande, attachée à la cour de la feue reine, Mme d’Outremont apportait dans l’exercice de sa charge, dans le monde des salons, des qualités aimables et un esprit distingué ; mais elle est Belge et catholique, ces deux titres suffisaient pour faire réprouver unanimement l’alliance du roi avec elle, dans un temps où le peuple était plus que jamais animé contre la Belgique, dans un pays où la majorité de la nation est protestante, où les questions religieuses occupent encore vivement tous les esprits, et soulèvent des discussions aussi ardentes, aussi âpres qu’au XVIe siècle. Toute la presse hollandaise, ordinairement si réservée et si passive, se souleva contre les intentions matrimoniales du roi, et les prédicateurs protestans l’attaquèrent plus d’une fois directement du haut de leur chaire. Maintenant le roi paraît avoir renoncé à son projet ; Mme d’Outremont