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UNE VISITE AU ROI GUILLAUME.

noncer en termes emphatiques la naissance de son enfant, ou d’écrire une élégie sur la mort de sa femme, et chaque maison un peu aisée de la Hollande s’abonne à la feuille de Harlem pour savoir jour par jour l’évènement qui attriste ou réjouit une autre demeure.

Ce journal est, du reste, le patriarche de tous les journaux de l’Europe ; il y a deux cents ans qu’il existe, avec le même titre et dans la même famille.

La lecture des journaux n’est pas, pour les Hollandais comme pour nous, un besoin, une occupation de chaque jour. Le négociant, l’employé de bureau, l’officier ayant fini sa tâche, entre dans un club, allume sa pipe, prend la première feuille qui se trouve devant lui, la lit d’un bout à l’autre, sans rien dire, l’entoure d’un nuage de fumée, puis la dépose silencieusement sur la table et s’en va. L’esprit de discussion n’est pas encore éveillé parmi ce peuple ; le mouvement constitutionnel commence à peine. Les Hollandais, me disait un jour un publiciste distingué d’Amsterdam, ne demandent qu’à se laisser gouverner. La guerre avec la Belgique, le résultat funeste qu’elle a eu pour eux les a fait sortir de leur apathie. Ils lisent maintenant ce qu’ils n’auraient jamais lu il y a dix ans, et se mettent à examiner des questions qu’ils abandonnaient complètement naguère à leurs ministres. Que la monarchie s’engage dans une fausse voie, commette quelque grande faute, et à la longue il pourrait bien arriver que le peuple hollandais devînt un peuple assez remuant, voire même assez difficile à gouverner.


X. Marmier.