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question d’Orient, a été lu, étalé, commenté à la tribune. On a mis en scène les diplomates présens, les diplomates absens, les diplomates français, les diplomates étrangers, ceux qui pouvaient se défendre et expliquer leur pensée, ceux qui ne le pouvaient pas ; les notes, les conversations, les lettres particulières, tout a été livré au public, comme si l’affaire d’Orient était finie, consommée, reléguée depuis long-temps dans le domaine de l’histoire. Nous croyons ne pas nous tromper en affirmant que le comité diplomatique de la convention mettait plus de réserve dans ses communications au public sur ses affaires pendantes. Sans doute les orateurs qui ont ouvert cette carrière y ont mûrement réfléchi ; sans doute ils sont convaincus qu’il ne peut résulter aucun mal de cette publicité précoce. Ils sont sans doute convaincus qu’elle n’intimidera pas nos agens, qu’elle ne rendra pas plus réservés et plus attentifs tous ceux qui auront affaire avec nous. Nous désirons de tout notre cœur qu’il en soit ainsi. Mais si par aventure nos craintes avaient quelque fondement, si nous n’étions pas sous l’empire d’un de ces vains préjugés qu’il faut savoir secouer, nos débats parlementaires auraient pris une forme, une allure par trop singulière. Nous aurions fait ce qui serait à peine concevable dans le cas où nous serions décidés à faire de la France la Chine de l’Europe.

Au surplus, nous aussi nous sommes las, pour employer le mot de M. Villemain, de toute cette politique rétrospective. En présence des évènemens qui se précipitent, il nous importe peu de savoir lequel de trois ou quatre ministères a été le plus habile et le plus heureux. Au fait, il n’en est pas un seul auquel il ne puisse être adressé quelque reproche.

Le 12 mai n’a peut-être pas assez considéré que ce concert européen qui lui tenait si fort à cœur, dans le but de sauver Constantinople de l’intervention russe, et de l’arracher au protectorat exclusif du czar, se tournerait un jour contre nous à l’endroit de la Syrie et de l’Égypte, et nous ferait une situation plus déplaisante encore que celle que nous nous efforcions de faire à la Russie. Peut-être aurait-il fallu ne jamais séparer les deux questions, la question turque et la question égyptienne, et après le fait de Nézib tout terminer à la fois ou tout laisser en suspens. Nous disons en suspens, et nous voulons par là indiquer le statu quo, la possession du pacha, à peu près telle que les évènemens la lui avaient donnée, sans susciter la question d’hérédité. C’était une excellente thèse à soutenir que de dire aux puissances et à la Porte : Le pacha, qu’on a eu le tort de provoquer, est sorti vainqueur du combat. Nous voulons bien contribuer à suspendre sa marche ; mais la plus vulgaire équité exige qu’il ne perde rien de ce qu’il possédait avant cette imprudente provocation. Nous lui garantissons le statu quo, sans chercher dans ce moment à décider s’il transmettra à sa mort la totalité de ses possessions à ses enfans. À chaque jour suffit sa peine.

Le 1er  mars, ce n’est pas aujourd’hui seulement, après sa chute, que nous le disons, peut se reprocher, non des coups de tête et des menaces exagérées, mais quelque peu d’hésitation et de mollesse. Avec un peu plus de résolution, il aurait fait arriver plus tôt la question devant les chambres, et on ne lui