évêques. Chaque famille trouvait, dans la corporation à laquelle appartenait un de ses membres, protection et appui. Les couvens étaient, en Espagne, la soupape de la démocratie. Il faudra du temps avant qu’un peuple si peu ami du travail conçoive d’autres idées, éprouve d’autres besoins.
Le parti modéré est nombreux et composé d’élémens plus variés ; mais par cela même il n’est point compacte : il manque d’énergie, de confiance en lui-même. Dans un moment donné, dix hommes résolus, s’ils sont nantis des apparences du pouvoir, feront plier sous le joug dix mille modérés. C’est ce qui est arrivé dans la dernière révolution. Ce que messieurs les modérés veulent avant tout, c’est de ne pas se compromettre. C’est ainsi qu’ils ont obéi à une poignée d’exaltés, qu’ils ont été les humbles serviteurs des juntes, qu’ils ont abandonné la régente ; trop heureux que le parti vainqueur ne les ait pas menés plus rudement et plus loin.
Mais si les modérés manquent d’énergie et se font gloire d’une prudence qui mériterait peut-être un autre nom, ils ne manquent pas d’habileté, d’adresse, d’activité souterraine. On le comprend quand on songe aux élémens dont ce parti se compose. Au fait, il réunit la plupart des hommes qui ont manié les affaires et pris part aux évènemens qui ont agité l’Espagne. Le parti modéré cherchera quelque part ce qui lui manque, la force. Nous ne serions pas étonnés qu’il cherchât dans ce but quelque moyen de se rapprocher du parti carliste, et de conclure avec lui une transaction.
Mais toute transaction est difficile dans un pays si profondément désorganisé et aux passions si déréglées. La dernière révolution a révélé un fait capital et que l’histoire de l’Espagne laissait déjà entrevoir : c’est la puissance de l’esprit municipal et la faiblesse de l’unité espagnole. Si le désordre et l’anarchie se prolongent, c’est le principe municipal qui l’emportera en Espagne. Livrée à elle-même, elle recommencera le moyen-âge. Déjà les provinces basques s’inquiètent de leur avenir, s’alarment, et il faudrait peu de chose pour que la guerre y éclatât de nouveau.
On peut faire des vœux pour l’Espagne ; qui voudrait faire des pronostics et des prophéties ?
— MM. E. de Cadalvène et E. Barrault viennent de publier, sous le titre de : Deux années de l’histoire d’orient, 1839-1840, un livre dont on ne contestera pas l’à-propos. De toutes les questions que peuvent soulever les débats de la politique, il n’en est point de plus vastes ni de plus compliquées que la question d’Orient. Aussi, pour le public qui ne saisit bien et promptement que les faits simples et à sa portée, est-elle encore enveloppée d’obscurité et d’incertitude. De là, ces doutes, ces variations de l’opinion qui énervent les courages, favorisent les intrigues de l’égoïsme et de la peur, et font croire aux étrangers que nous n’avons pas l’intelligence de nos vrais intérêts. Après tout, ces incertitudes ne s’expliquent que trop. L’Orient est si loin de nous, tellement en dehors de nos mœurs, de nos idées, et nos lois, que ce n’est que par une étude suivie et réfléchie de tout l’ensemble des rapport qui lient ses