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QUESTION D’ORIENT ET DISCUSSION PARLEMENTAIRE.

question d’Orient était secondaire et circonscrite. L’alliance était à peine atteinte. Il ne paraissait frappé que d’un danger, c’est que, dans quelques théâtres, quelques spectateurs turbulens avaient demandé la Marseillaise. Il y a d’honnêtes gens assez modestes pour dire que c’est cela qui leur a fait redouter la guerre. À l’appui de cette appréciation des choses, on poursuivait de mille accusations contradictoires le précédent ministère. Tout le mal venait de lui. Il aurait dû empêcher le traité, il aurait dû le signer. Il avait désiré le traité, il s’en était irrité trop fort, il l’avait toléré trop patiemment. Il avait voulu la guerre, il ne l’avait jamais projetée ; il l’avait préparée outre-mesure, il l’avait préparée insuffisamment. Il avait compromis la France pour le pacha, il avait perdu le pacha pour la France. Il avait excité la presse, il avait été excité par la presse. Bref, le ministère avait tout fait, tout, le pour et le contre, tout excepté le bien. Et que dis-je, le ministère ? Non, pas le ministère ; un seul homme. En vain cet homme avait-il quitté le pouvoir, ce n’était pas assez ; on voulait encore le perdre. La vengeance de ceux qu’il avait humiliés ne se contentait pas moins. Cette réaction tant prônée en faveur de l’ordre a commencé par le plus triste spectacle que puissent donner dans leurs mauvais jours les envieuses passions propres aux sociétés démocratiques. Heureusement elles ont échoué.

La voix de la tribune a confondu bien des mensonges. Sans doute il est resté dans quelque partie de la majorité des préventions obstinées, des erreurs étranges ; mais peu à peu, dans cette longue discussion, on a vu le jour se faire et éclairer une situation d’abord obscure. La conviction, l’assurance, la persistance, étaient du côté de la politique qu’on accusait. De l’autre côté, ce n’étaient qu’incohérences et variations. Au bout de quelques jours, les partisans du ministère furent obligés d’abandonner, au moins en théorie, le thème exclusivement pacifique. La commission de l’adresse, qui avait d’abord parlé comme le discours du trône, abandonna sa malheureuse rédaction et se mit à suivre le nouveau tour que prenaient les esprits. On vit naître et grandir de moment en moment, dans la chambre, non pas la résolution nécessaire, mais du moins un sentiment plus juste de la situation du pays, sentiment confus et timide encore, j’en conviens, mais tel cependant qu’une épreuve grave survenant, il eût été impossible au cabinet de se maintenir sur le terrain qu’il avait choisi. Un ministre dont l’esprit est indépendant de sa position, convenait que, si Saint-Jean-d’Acre n’avait été pris, le cabinet n’aurait pu mener à bien la discussion. C’est trop dire peut-être ; mais il est certain que