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la politique du cabinet français a eu grand besoin des désastres advenus à l’allié de la France.

Quoiqu’il en soit, voici l’état vrai des esprits dans la majorité. Elle n’approuve pas tous les actes du ministère du 1er mars, mais elle est au fond convaincue qu’il a mieux senti que ses successeurs la gravité de la position ; et sans avoir des vues d’hostilité immédiate contre ceux-ci, elle n’est nullement assurée que leur politique soit au niveau des chances de l’avenir. La chambre craint la guerre ; elle ferait beaucoup ; trop même pour l’éviter, mais elle y croit. Toute mesure, tout système qui paraîtra l’ajourner, trouvera faveur auprès d’elle, mais ce ne sera jamais à ses yeux qu’un ajournement. L’isolement de la France ne lui semble pas un fait accidentel ni passager, et bien qu’elle essaie d’espérer la découverte de quelque nouvelle alliance, elle a comme un instinct qui l’avertit qu’un destin inévitable place définitivement la France seule en regard de l’Europe. Aux yeux de la chambre, l’avenir est très sombre, plus sombre même que ne le seront, je crois, les jours qu’il nous réserve.

Cependant on se dit avec inquiétude que ce qui vient de se passer parmi nous n’ajoute pas à notre force. Les côtés vulnérables de la France ont été dévoilés ; ses plaies intérieures ont été mises à nu. À l’approche d’une crise, les meilleurs citoyens se sont montrés craintifs ; les divisions, au lieu de s’éteindre, se sont envenimées ; la politique adoptée paraît triste, la situation accablante ; on s’y résigne, on la subit, on la préfère à des dangers plus positifs, mais on ne peut se défendre de la croire une cruelle épreuve et pour la monarchie et pour la paix elle-même. Nul n’oserait affirmer que trois ans se passeront sans qu’un jour terrible se lève pour le monde.

Nous concevons ces inquiétudes sans les partager toutes, et quelque malheureuse que nous paraisse la politique qui prévaut aujourd’hui, nous ne sommes pas sûrs qu’elle porte dans son sein toutes les fâcheuses conséquences que prédisent plusieurs de ceux qui l’ont soutenue. Mais enfin, nous reconnaissons qu’il faut se préparer à tout : il ne suffit pas de déplorer et de blâmer ; en toute situation, il y a une conduite à tenir.

La France est isolée ; qu’elle ne se montre pas effrayée de l’être. Si cet isolement doit cesser, il ne cessera qu’à la condition que nous ne paraissions pas trop pressés de le voir finir. Les alliances ne nous viendront, au cas qu’elles nous viennent, que si nous ne les cherchons pas. N’en regrettons aucune désormais, et surtout ne feignons pas d’en retrouver. Que de long-temps le nom de la France ne se